Chapitre 23
1 Paul, regardant fixement le conseil, dit : Hommes, mes frères, jusqu’à ce jour je me suis conduit devant Dieu en toute bonne conscience. 2 Mais le prince des prêtres, Ananie, ordonna à ceux qui étaient près de lui de le frapper au visage.
Note : Act. 23, 2 : Ananie, fils de Nébédée, avait reçu le souverain pontificat d’Hérode, roi de Chalcis, l’an 48 de notre ère, à la place de Joseph, fils de Camithas. Le procurateur romain Cumanus l’envoya à Rome en 52 pour répondre aux accusations portées contre lui par les Samaritains. Ananie fut acquitté et conserva sa dignité jusqu’en 59 où il dut la céder à Ismaël, fils de Phabi. Il périt de la main des sicaires qui lui firent expier ainsi ses liaisons avec les Romains, en 66 ou 67.
3 Alors Paul lui dit : Dieu te frappera, muraille blanchie. Tu sièges pour me juger selon la loi, et, contre la loi, tu ordonnes de me frapper. 4 Ceux qui étaient présents dirent : Tu maudis le grand prêtre de Dieu ? 5 Et Paul répondit : J’ignorais, mes frères, que ce fût le prince des prêtres, car il est écrit : Tu ne maudiras point le prince de ton peuple.
Note : Act. 23, 5 : Voir Exode, 22, 28. ― Saint Paul a pu aisément ne pas connaître le grand prêtre, attendu qu’alors le pontificat était une dignité variable selon le caprice ou la politique des Romains. Josèphe dit qu’il y eut trois grands prêtres la même année, et que l’un d’eux ne conserva sa dignité qu’un seul jour. Ainsi saint Paul a pu facilement être dans l’ignorance sur ce point. Ajoutons que le grand prêtre n’avait pas alors ses vêtements de pontife ; ils étaient renfermés dans la tour Antonia, d’où on ne les tirait qu’aux jours solennels. Enfin, en supposant que dans le lieu où se tenait le Sanhédrin, il y avait une place affectée pour le grand-prêtre, il ne s’en trouva assurément point de telle chez le tribun où se tint le conseil devant lequel comparut saint Paul.
6 Or Paul sachant qu’une partie étaient sadducéens, et l’autre pharisiens, s’écria dans le conseil : Hommes, mes frères, je suis pharisien, fils de pharisien; c’est à cause de l’espérance et de la résurrection des morts que je suis en jugement.
Note : Act. 23, 6 : Voir Philippiens, 3, 5. ― Sadducéens, pharisiens. Voir Matthieu, note 3. 7.
7 Lorsqu’il eut dit cela, il s’éleva une discussion entre les pharisiens et les saducéens, et l’assemblée fut divisée. 8 Car les sadducéens disent qu’il n’y a ni résurrection, ni ange, ni esprit; les pharisiens, au contraire, confessent l’un et l’autre.
Note : Act. 23, 8 : Voir Matthieu, 22, 23.
9 Il s’éleva donc une grande clameur. Quelques-uns des pharisiens se levant, contestaient, disant : Nous ne trouvons rien de mal dans cet homme ; et si un esprit ou un ange lui a parlé? 10 Et comme le tumulte s’accroissait, le tribun craignant que Paul ne fût mis en pièces par ces gens-là, commanda aux soldats de descendre, de l’enlever d’au milieu d’eux, et de le conduire dans le camp.
Note : Act. 23, 10 : De descendre de la forteresse Antonia.
11 Mais, la nuit suivante, le Seigneur se présentant à lui, dit : Aie bon courage ; car, comme tu m’as rendu témoignage à Jérusalem, il faut aussi que tu me rendes témoignage à Rome.
Note : Act. 23, 11 : Rome étant la capitale du monde païen, l’Apôtre des gentils doit y prêcher le christianisme.
12 Le jour étant venu, quelques-uns d’entre les Juifs s’assemblèrent, et se firent eux-mêmes anathème, disant qu’ils ne boiraient ni ne mangeraient qu’ils n’eussent tu« Paul. 13 Ils étaient plus de quarante hommes qui avaient fait cette conjuration; 14 Ils se rendirent auprès des princes des prêtres et des anciens, et dirent : Nous avons fait le voeu, en appelant sur nous l’anathème, de ne goûter de rien, que nous n’ayons tué Paul.
Note : Act. 23, 14 : Les princes des prêtres, voit Matthieu, 2, 4. ― Les anciens, les membres du Sanhédrin.
15 Maintenant donc, vous avec le conseil, faites avertir le tribun de l’amener devant vous, comme pour savoir quelque chose de plus certain sur lui. Nous, de notre côté, nous sommes prêts à le tuer avant qu’il arrive.
16 Mais ayant ouï parler de cette trahison, le fils de la soeur de Paul vint, entra dans le camp, et avertit Paul.
Note : Act. 23, 16 : La soeur de Paul. « En supposant qu’elle se soit mariée de bonne heure à Jérusalem, on s’explique que Paul ait été envoyé fort jeune dans cette ville, pour s’y consacrer aux études rabbiniques. Mais peut-être ce neveu de l’Apôtre y était-il venu, comme autrefois l’oncle, pour y faire ses études. » (CRAMPON)
17 Alors Paul appelant à lui un des centurions, dit : Conduisez ce jeune homme au tribun, car il a quelque chose à lui dire. 18 Et le centurion le prenant avec lui, le conduisit au tribun, et dit : Le prisonnier Paul m’a prié de vous amener ce jeune homme qui a quelque chose à vous dire. 19 Aussitôt le tribun, le prenant par la main, se retira à part avec lui, et lui demanda : Qu’as-tu à me dire ? 20 Et le jeune homme répondit : Les Juifs sont convenus de vous prier d’amener demain Paul devant le conseil, comme pour savoir quelque chose de plus certain sur lui ; 21 Mais vous, ne les croyez pas ; car des embûches lui sont dressées par plus de quarante hommes d’entre eux, qui ont fait voeu de ne manger ni de boire, qu’ils ne l’aient tué ; et maintenant ils sont prêts, attendant votre ordre. 22 Le tribun donc renvoya le jeune homme, lui défendant de dire à personne qu’il lui eût donné cet avis.
23 Puis, deux centurions appelés, il leur dit : Tenez prêts, à la troisième heure de la nuit, deux cents soldats, soixante-dix cavaliers et deux cents lances, pour aller jusqu’à Césarée,
Note : Act. 23, 23 : La troisième heure de la nuit ; c’est-à-dire le milieu de l’intervalle entre le coucher du soleil et minuit. ― A Césarée, résidence ordinaire du gouverneur romain. Voir Actes des Apôtres, 9, 30.
24 Et préparez des chevaux pour monter Paul, et le conduire sûrement au gouverneur Félix.
Note : Act. 23, 24 : Félix. « L’historien profane le mentionne, comme ayant gouverné la Judée (52-59), sous le règne de Néron, pendant le pontificat d’Ananie, immédiatement avant Festus. Tacite, Suétone et Josèphe nous apprennent quelques particularités de sa vie. Il était frère de Pallade, et comme lui, un affranchi de la maison de Claude. Suivant Tacite, il gardait dans sa fortune les sentiments de sa première condition. Josèphe ajoute qu’il vivait en adultère, et qu’il s’était rendu fameux par ses concussions. Une fois déjà, les plaintes causées par sa rapacité l’avaient fait mander à Rome, et c’est grâce au crédit de son frère qu’il avait été absous. Les Actes confirment ce que l’histoire profane nous apprend de son avarice et de sa vie licencieuse. Cet esclave débauché eut successivement pour femmes trois filles de rois. La dernière était Drusille, fille d’Hérode Agrippa I, soeur de Bérénice et d’Agrippa II. Félix l’avait enlevée à Azize, roi d’Emèse, grâce aux artifices d’un magicien juif, nommé Simon. Elle lui donna un fils, qui périt avec sa mère, dans l’éruption du Vésuve, sous le règne de Titus, en 79. Il fallait l’intrépidité de l’Apôtre pour oser parler de chasteté et de justice (voir Actes des Apôtres, 24, 25) devant un pareil juge, qui pouvait l’envoyer à la mort. Saint Paul fit plus. Il lui annonça hautement le jugement dernier où les vertus auront leur récompense et les vices leur châtiment. Si Félix ne se rendit pas, il ne put du moins se défendre d’un sentiment de terreur. »
25 (Car il craignit que les Juifs ne l’enlevassent et ne le tuassent, et qu’ensuite on ne l’accusât d’avoir reçu de l’argent. )
26 Il écrivit en même temps une lettre conçue en ces termes : Claude Lysias à l’excellent gouverneur Félix, salut.
Note : Act. 23, 26 : Claude Lysias était probablement grec de naissance, comme semble l’indiquer son nom et c’est pour cela qu’il avait été obligé d’acheter le titre de citoyen romain. Voir Actes des Apôtres, 22, 28.
27 Les Juifs avaient pris cet homme, et ils allaient le tuer, lorsque, arrivant avec les soldats, je l’ai tirai de leurs mains, ayant appris qu’il était Romain;
Note : Act. 23, 27 : Lysias altère ici la vérité à son profit et dissimule habilement ses torts envers saint Paul : voir Actes des Apôtres, 22, 29.
28 Et voulant savoir de quoi ils l’accusaient, je l’ai conduit dans leur conseil. 29 J’ai trouvé qu’il était accusé au sujet de questions qui concernent leur loi; mais qu’il n’avait commis aucun crime digne de mort ou de prison. 30 Et comme j’ai été averti des embûches qu’ils lui avaient dressées, je vous l’ai envoyé, déclarant aux accusateurs eux-mêmes, qu’ils aient à s’expliquer devant vous. Adieu.
31 Ainsi, selon l’ordre qu’ils avaient, les soldats prirent Paul avec eux, et le conduisirent de nuit à Antipatride.
Note : Act. 23, 31 : Antipatride, autrefois Kapharsaba, aujourd’hui Kefr Saba, dans une plaine fertile et bien arrosée, entre Jérusalem et Césarée, à quarante-deux milles romains de Jérusalem et vingt-six de Césarée. Hérode le Grand, qui restaura Kapharsaba, lui donna le nom d’Antipatride en l’honneur de son père Antipater.
32 Et le jour suivant, ayant laissé les cavaliers aller avec lui, ils revinrent au camp. 33 Lorsque les cavaliers furent arrivés à Césarée, et qu’ils eurent remis la lettre au gouverneur, ils lui présentèrent aussi Paul. 34 Or, quand il eut reçu la lettre, et demandé à Paul de quelle province il était; apprenant qu’il était de Cilicie :
Note : Act. 23, 34 : De Cilicie. Voir Actes des Apôtres, 6, 9.
35 Je t’entendrai, dit-il, quand tes accusateurs seront venus. Et il ordonna de le garder dans le prétoire d’Hérode.
Note : Act. 23, 35 : Le prétoire d’Hérode. Palais construit par Hérode le Grand et habité par le gouverneur romain.