Chapitre 18
1 Lorsqu’il eut dit ces choses, Jésus s’en alla avec ses disciples au-delà du torrent de Cédron, où il y avait un jardin dans lequel il entra, lui et ses disciples.
Note : Jean 18, 1 : Voir 2 Rois, 15, 23 ; Matthieu, 26, 36 ; Marc, 14, 32 ; Luc, 22, 39. ― Un jardin. Gethsémani. Voir Matthieu, note 26. 36. ― Au-delà du torrent de Cédron. Pour aller de Jérusalem au jardin de Gethsémani, il faut nécessairement franchir le Cédron, auprès et au-delà duquel le jardin est situé, à l’est, au bas du mont des Oliviers. Le mot Cédron signifie noir. Le torrent coule dans une gorge profonde à l’époque des pluies de l’hiver. Il recueille les eaux des trois vallées situées au nord et au nord-ouest de Jérusalem. En dehors des temps d’orage ou de pluie, il est à sec. Les eaux ne coulent guère qu’une journée ou une demi-journée, mais elles sont quelquefois très abondantes et roulent avec elles des pierres, des racines et des troncs d’arbres. Le lit du Cédron est parsemé de silex-agathes tombés des hauteurs du mont des Oliviers. Certaines années, les graviers et les terres charriés par les eaux sont suffisants pour qu’on puisse ensemencer le fond du torrent. Comme la gorge aux pieds du Temple est très encaissée et que sa pente est très considérable, elle forme en quelques endroits un fossé très profond et rend la ville inexpugnable de ce côté. La vallée du Cédron porte aussi le nom de vallée de Josaphat.
2 Or Judas, qui le trahissait, connaissait aussi ce lieu, parce que Jésus y était venu souvent avec ses disciples. 3 Judas ayant donc pris la cohorte et des archers des pontifes et des pharisiens, vint là avec des lanternes, des torches et des armes.
Note : Jean 18, 3 : Voir Matthieu, 26, 47 ; Marc, 14, 43 ; Luc, 22, 47. ― La cohorte romaine était composée de six cent vingt-cinq hommes. ― Le procurateur romain conduisait tous les ans à Jérusalem une cohorte à l’époque de la fête de Pâque pour maintenir l’ordre au milieu de la multitude qu’attirait cette solennité. Les soldats romains étaient logés dans la forteresse Antonia au nord-ouest du temple.
4 Mais Jésus sachant tout ce qui devait lui arriver, s’avança et leur demanda : Qui cherchez vous? 5 Ils lui répondirent : Jésus de Nazareth, Jésus leur dit : C’est moi. Or avec eux se trouvait aussi Judas, qui le trahissait. 6 Mais dès qu’il leur eut dit : C’est moi, ils furent renversés, et tombèrent par terre.
Note : Jean 18, 6 : Par terre. « Avant que l’Agneau de Dieu se livre aux loups, sa voix laisse deviner qu’il est aussi le lion de la tribu de Juda (voir Apocalypse, 5, 5). » (saint Augustin).
7 Il leur demanda donc de nouveau : Qui cherchez-vous? Ils répondirent : Jésus de Nazareth. 8 Jésus reprit : Je vous ai dit que c’est moi. Mais si c’est moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci. 9 Afin que fût accomplie la parole qu’il avait dite : Je n’ai perdu aucun de ceux que vous m’avez donnés.
Note : Jean 18, 9 : Voir Jean, 17, 12.
10 Alors Simon Pierre, qui avait une épée, la tira, et frappant le serviteur du grand prêtre, il lui coupa l’oreille droite. Or le nom de ce serviteur était Malchus. 11 Mais Jésus dit à Pierre : Remets ton épée dans le fourreau. Et le calice que mon Père m’a donné, ne le boirai-je donc point?
12 Alors la cohorte, le tribun et les archers des Juifs se saisirent de Jésus et le lièrent;
Note : Jean 18, 12 : Le tribun était le chef de la cohorte.
13 Puis ils l’emmenèrent d’abord chez Anne, parce qu’il était le beau-père de Caïphe, qui était le pontife de cette année-là.
Note : Jean 18, 13 : Voir Luc, 3, 2. ― Anne. Voir Luc, note 3. 2. ― Caïphe, voir Matthieu, 26, 3. ― Ils l’emmenèrent d’abord chez Anne. Saint Jean, qui est plus circonstancié sur cette partie de la passion que les autres évangélistes, nous apprend que Jésus fut conduit chez Anne avant d’être conduit chez Caïphe. La maison d’Anne, d’après la tradition, était sur le mon Sion, tout près et au nord-est de celle de Caïphe (voir Matthieu, 26, 57), à l’est du grand couvent des Arméniens et à peu de distance de la porte de Sion. Sur son emplacement s’élève aujourd’hui l’église du couvent des soeurs de charité arméniennes, appelé Deir Zéitoun. L’église se compose de deux oratoires séparés, mais communiquant ensemble. Dans l’un est une citerne à fleur de terre dont l’eau est fort bonne. Dans l’autre on montre aux pèlerins une chapelle latérale placée à gauche en entrant, où l’on suppose qu’eut lieu l’interrogatoire de Notre-Seigneur et où il fut souffleté. Hors de l’église, dans une petite cour située au nord, on voit plusieurs petits oliviers qu’on considère comme les rejetons d’un grand arbre auquel le Sauveur aurait été attaché pendant que les Juifs délibéraient sur son sort.
14 Or Caïphe était celui qui avait donné ce conseil aux Juifs : Il est avantageux qu’un seul homme meure pour le peuple.
Note : Jean 18, 14 : Voir Jean, 11, 49-50.
15 Cependant Simon Pierre suivait Jésus, et aussi l’autre disciple. Or comme ce disciple était connu du pontife, il entra avec Jésus dans la cour du pontife.
Note : Jean 18, 15 : L’autre disciple, saint Jean l’évangéliste.
16 Mais Pierre se tenait dehors à la porte. C’est pourquoi l’autre disciple, qui était connu du pontife, sortit, et parla à la portière, et elle fit entrer Pierre.
Note : Jean 18, 16 : Voir Matthieu, 26, 58 ; Marc, 14, 54 ; Luc, 22, 55.
17 Alors cette servante, qui gardait la porte, demanda à Pierre : Et toi, n’es-tu pas aussi des disciples de cet homme? Il lui répondit : Je n’en suis point. 18 Or les serviteurs et les archers se tenaient auprès du feu, et se chauffaient, parce qu’il faisait froid; et Pierre était aussi avec eux debout et se chauffant.
Note : Jean 18, 18 : Auprès du feu. Voir Marc, 14, 54.
19 Cependant le pontife interrogea Jésus touchant ses disciples et sa doctrine. 20 Jésus lui répondit : J’ai parlé publiquement au monde ; j’ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où tous les Juifs s’assemblent, et en secret je n’ai rien dit. 21 Pourquoi m’interroges-tu? Interroge ceux qui ont entendu ce que je leur ai dit; voilà ceux qui savent ce que j’ai enseigné. 22 Après qu’il eut dit cela, un des archers là présent donna un soufflet à Jésus, disant : Est-ce ainsi que tu réponds au pontife? 23 Jésus lui répondit : Si j’ai mal parlé, rends témoignage du mal; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu?
Note : Jean 18, 23 : Me frappes-tu ? Littéralement me déchires-tu ? Comparer à Matthieu, 21, 35.
24 Et Anne l’envoya lié à Caïphe, le grand prêtre.
Note : Jean 18, 24 : Voir Matthieu, 26, 57 ; Marc, 14, 53 ; Luc, 22, 54.
25 Cependant Simon Pierre était là debout et se chauffant. Ils lui dirent donc : Et toi, n’es-tu pas aussi de ses disciples? Il le nia et dit : Je n’en suis point.
Note : Jean 18, 25 : Voir Matthieu, 26, 69 ; Marc, 14, 67 ; Luc, 22, 56.
26 Un des serviteurs du pontife, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, lui dit : Ne t’ai-je pas vu dans le jardin avec lui? 27 Et Pierre le nia de nouveau; et aussitôt un coq chanta.
28 Ils amenèrent donc Jésus de chez Caïphe dans le prétoire. Or c’était le matin, et eux n’entrèrent point dans le prétoire, afin de ne point se souiller et de pouvoir manger la pâque.
Note : Jean 18, 28 : Voir Matthieu, 27, 2 ; Marc, 15, 1 ; Luc, 23, 1 ; Actes des Apôtres, 10, 28 ; 11, 3. ― Les Juifs croyaient qu’en entrant dans la maison d’un païen, ils contractaient une souillure légale qui les empêchaient de prendre part aux cérémonies de la religion, au moins jusqu’au soir du même jour. ― Dans le prétoire. Voir Matthieu, 27, 27.
29 Pilate donc vint à eux dehors et dit : Quelle accusation portez-vous contre cet homme?
Note : Jean 18, 29 : Pilate. Voir Matthieu, 27, 2.
30 Ils répondirent et lui dirent : Si ce n’était pas un malfaiteur, nous ne vous l’aurions pas livré. 31 Alors Pilate leur dit : Prenez-le vous-mêmes, et le jugez selon votre loi. Mais les Juifs lui répondirent : Il ne nous est pas permis de mettre personne à mort.
Note : Jean 18, 31 : Les Romains avaient ôté aux Juifs le pouvoir de vie et de mort, et se l’étaient réservé.
32 Afin que fût accomplie la parole que Jésus avait dite, montrant de quelle mort il devait mourir.
Note : Jean 18, 32 : Voir Matthieu, 20, 19.
33 Pilate rentra donc dans le prétoire, appela Jésus, et lui dit: Es-tu le roi des Juifs ?
Note : Jean 18, 33 : Voir Matthieu, 27, 11 ; Marc, 15, 2 ; Luc, 23, 3.
34 Jésus répondit : Dis-tu cela de toi-même, ou d’autres te l’ont-ils dit de moi? 35 Pilate reprit : Est-ce que je suis Juif, moi? Ta nation et les pontifes t’ont livré à moi ; qu’as-tu fait? 36 Jésus répondit : Mon royaume n’est pas de ce monde ; si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs combattraient certainement pour que je ne fusse point livré aux Juifs ; mais je l’assure, mon royaume n’est pas d’ici.
Note : Jean 18, 36 : Je l’assure ; sens de la particule (nunc autem regnum meum non est hinc), traduite généralement par maintenant, et qui est ici, comme en bien d’autres passages analogues, purement enclitique. Certains l’ont rendue par maintenant, pour le moment… (Comparer à Jean, 19, 21). Jésus-Christ était vraiment roi ; mais il n’avait pas reçu son pouvoir des hommes : « C’est pourquoi, remarque saint Augustin, il ne dit pas ici : Mon royaume n’est pas en ce monde, mais n’est pas de ce monde ; » idée que rend parfaitement saint Chrysostome quand il dit : « Il s’exprime ainsi, parce qu’il ne tient pas de royaume, comme le tiennent ici-bas les rois de la terre, et qu’il a reçu d’en haut sa principauté qui n’est pas humaine, mais qui est bien plus grande et plus illustre. » Voir Luc, note 17. 21. Le royaume de Dieu est au dedans de vous…
37 C’est pourquoi Pilate lui repartit : Tu es donc roi? Jésus répondit : Tu le dis, je suis roi. Si je suis né et si je suis venu dans le monde, c’est pour rendre témoignage à la vérité ; quiconque est de la vérité, écoute ma voix. 38 Pilate lui demanda : Qu’est-ce que la vérité ? Et ayant dit cela, il alla de nouveau vers les Juifs, et leur dit : Je ne trouve en lui aucune cause de mort.
Note : Jean 18, 38 : De mort. Comparer à Luc, 23, 22.
39 Mais c’est la coutume parmi vous que je vous délivre un criminel à la Pâque; voulez-vous donc que je vous délivre le roi des Juifs?
Note : Jean 18, 39 : Voir Matthieu, 27, 15 ; Marc, 15, 6 ; Luc, 23, 17.
40 Alors ils crièrent tous de nouveau, disant : Non pas celui-ci, mais Barabbas. Or Barabbas était un voleur.
Note : Jean 18, 40 : Barabbas. Voir Matthieu, 27, 16.