Chapitre 1
1 Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu.
Note : Jean 1, 1 : Et le Verbe était en Dieu. Comparer à Jean, 14, 10 : Ne croyez-vous pas que je suis dans le Père, et que le Père est en moi ? ― « Le choix de ce mot, Verbe, Logos, n’a pas été fait au hasard par saint Jean, ni d’une manière arbitraire. Il paraît lui avoir été révélé. Que le Fils de Dieu l’ait fait connaître à saint Jean avant de sortir de ce monde, ou que la révélation en ait été faite à cet Apôtre au moment où il écrivait l’évangile, c’est ce que rien ne détermine avec certitude ; mais nous savons qu’à Patmos, saint Jean reçut des assurances à cet égard : « Le nom dont on l’appelle est le Verbe de Dieu, » lisons-nous dans l’Apocalypse. Certains passages de l’Ancien Testament pouvaient suffire pour en suggérer l’idée. Dans ces textes, la création est attribuée au Verbe ou à la parole de Dieu. Ce Verbe est personnel. Il s’identifie avec la Sagesse et avec l’Ange de Dieu. Quoi d’étonnant qu’au temps du Sauveur ce mot fût employé chez les Juifs pour désigner le Fils éternel de Dieu ? Saint Paul paraît sanctionner cet usage, aussi bien que saint Jean, en parlant de la parole de Dieu vivante et agissante, qui discerne les pensées de l’esprit et les intentions du coeur. Aussi la difficulté pour l’évangéliste n’était pas de faire reconnaître aux Juifs qu’il y a en Dieu un Verbe personnel et tout-puissant, mais de les convaincre que Jésus était ce Verbe. D’ailleurs, la connaissance de la doctrine révélée sur les trois personnes divines était donnée, le nom de Verbe ne devait-il pas s’offrir de lui-même à l’esprit pour désigner la seconde ? Les rapports du Père avec le Fils ont une analogie frappante avec ceux qui existent entre notre esprit et notre parole ou notre verbe. Il était naturel d’appeler le Fils de Dieu, la Parole du Père. Saint Jean n’avait donc pas d’emprunt à faire, ni à Platon (429-348), ni à Philon († 55). Et que leur aurait-il emprunté ? ― Si Platon parle de Logos dans sa théorie de la création ou plutôt de la disposition originelle des choses, il donne à ce terme un sens fort différent de celui de saint Jean. Le Logos du philosophe grec n’est pas une personne, mais une abstraction, la raison de Dieu, réceptacle de toutes ses idées. Il n’a pas conscience de son existence. ― Il en est de même de celui de Philon, autant qu’on peut saisir la pensée de cet auteur, dans les nuages de ses allégories, Philon ne le nomme pas Dieu, le vrai Dieu ; il ne l’identifie pas avec le Messie. Du reste, s’il avait une vraie connaissance du Verbe personnel, on devrait penser qu’il l’a puisée aussi dans la révélation, c’est-à-dire dans les écrits des prophètes et dans les traditions de leurs écoles. » (L. BACUEZ. )
2 C’est lui qui au commencement était en Dieu. 3 Toutes choses ont été faites par lui; et sans lui rien n’a été fait de ce qui a été fait. 4 En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes; 5 Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas comprise.
6 Il y eut un homme envoyé de Dieu dont le nom était Jean.
Note : Jean 1, 6 : Voir Matthieu, 3, 1 ; Marc, 1, 2.
7 Celui-ci vint comme témoin pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui; 8 Il n’était pas la lumière, mais il devait rendre témoignage à la lumière. 9 Celui-là était la vraie lumière, qui illumine tout homme venant en ce monde.
Note : Jean 1, 9 : Voir Jean, 3, 19.
10 Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui, et le monde ne l’a pas connu.
Note : Jean 1, 10 : Voir Hébreux, 11, 3.
11 Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. 12 Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir d’être faits enfants de Dieu ; à ceux qui croient en son nom ; 13 Qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.
Note : Jean 1, 13 : La chair et le sang indiquent, dans l’Ecriture, la nature humaine qui s’oppose à la grâce.
14 Et le Verbe a été fait chair, et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire comme la gloire qu’un fils unique reçoit de son père, plein de grâce et de vérité.
Note : Jean 1, 14 : Voir Matthieu, 1, 16 ; Luc, 2, 7. ― Le Verbe a été fait chair, non que sa substance se soit changée en chair mais parce que le Verbe, en demeurant ce qu’il était, a pris la forme de serviteur (saint Chrysostome).
15 Jean rend témoignage de lui, et il crie, disant : Voici celui-ci dont j’ai dit : Celui qui doit venir après moi a été fait avant moi, parce qu’il était avant moi.
Note : Jean 1, 15 : Parce qu’il était avant moi ; puisque comme Verbe, il était de toute éternité. ― D’autres traduisent : Parce qu’il était au-dessus de moi, bien plus que moi.
16 Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce;
Note : Jean 1, 16 : Voir 1 Timothée, 6, 17.
17 Car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ. 18 Personne n’a jamais vu Dieu : le Fils unique qui est dans le sein du Père est celui qui l’a fait connaître.
Note : Jean 1, 18 : Voir 1 Timothée, 6, 16 ; 1 Jean, 4, 12.
19 Or voici le témoignage de Jean, lorsque les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander: Qui es-tu?
Note : Jean 1, 19 : Le témoignage de Jean Baptiste.
20 Car il confessa, et il ne le nia point; il confessa : Ce n’est pas moi qui suis le Christ. 21 Et ils lui demandèrent : Quoi donc? Es-tu Elie? Et il dit : Non. Es-tu le prophète? Et il répondit : Non.
Note : Jean 1, 21 : Es-tu Elie ? Et il dit : Non. « Dans un autre endroit (voir Matthieu, 11, 13-14), le Seigneur étant questionné par ses disciples sur la venue d’Elie, répondit : Elie est déjà venu, et si vous voulez le savoir, c’est Jean qui est Elie. Jean interrogé dit au contraire : Je ne suis pas Elie… C’est que Jean était Elie par l’esprit qui l’animait, mais il n’était pas Elie en personne. Ce que le Seigneur dit de l’esprit d’Elie, Jean le nie de sa personne. » (Saint GREGOIRE-LE-GRAND. )
22 Ils lui dirent donc : Qui es-tu, afin que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés? Que dis-tu de toi-même? 23 Je suis, répondit-il, la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez la voie du Seigneur, comme l’a dit le prophète Isaïe.
Note : Jean 1, 23 : Voir Isaïe, 40, 3 ; Matthieu, 3, 3 ; Marc, 1, 3 ; Luc, 3, 4. ― Dans le désert de Judée. Voir Matthieu, 3, 1.
24 Or ceux qui avaient été envoyés étaient du nombre des pharisiens. 25 Ils l’interrogèrent encore et lui dirent : Pourquoi donc baptises-tu, si tu n’es ni le Christ, ni Elle, ni le prophète? 26 Jean leur répondit, disant : Moi je baptise dans l’eau, mais il y a au milieu de vous quelqu’un que vous ne connaissez point.
Note : Jean 1, 26 : Voir Matthieu, 3, 11.
27 C’est lui qui doit venir après moi, qui a été fait avant moi ; je ne suis même pas digne de délier la courroie de sa chaussure.
Note : Jean 1, 27 : Voir Marc, 1, 7 ; Luc, 3, 16 ; Actes des Apôtres, 1, 5 ; 11, 16 ; 19, 4. ― Qui a été avant moi. Voir au verset 15. ― Délier la courroie, etc. Voir Matthieu, 3, 11. ― La courroie de sa chaussure, de ses sandales. Voir Marc, 6, 9.
28 Ceci se passa en Béthanie, au-delà du Jourdain où Jean baptisait.
Note : Jean 1, 28 : Béthanie, sur la rive orientale du Jourdain, à un endroit où le fleuve était guéable et qui, d’après plusieurs, s’appelait Bethabara ou maison du passage.
29 Le jour suivant Jean vit Jésus venant à lui, et il dit : Voici l’agneau de Dieu, voici celui qui ôte le péché du monde. 30 C’est celui de qui j’ai dit : Après moi vient un homme qui a été fait avant moi, parce qu’il était avant moi; 31 Et moi je ne le connaissais pas; mais c’est pour qu’il fût manifesté en Israël, que je suis venu baptisant dans l’eau.
32 Jean rendit encore témoignage, disant : J’ai vu l’Esprit descendant sur lui en forme de colombe, et il s’est reposé sur lui.
Note : Jean 1, 32 : Voir Matthieu, 3, 16 ; Marc, 1, 10 ; Luc, 3, 22.
33 Et moi je ne le connaissais pas; mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et se reposer, c’est celui-là qui baptisera dans l’Esprit-Saint. 34 Et je l’ai vu, et j’ai rendu témoignage que c’est lui qui est le Fils de Dieu.
35 Le jour suivant, Jean se trouvait de nouveau avec deux de ses disciples.
Note : Jean 1, 35 : Jean Baptiste avec deux de ses disciples, André et saint Jean l’Evangéliste. André est nommé au verset 40. Saint Jean, par humilité, ne se nomme jamais par son nom ni dans son Evangile, ni dans ses Epîtres, et quand il a besoin de parler de lui, il se désigne par une périphrase.
36 Et regardant Jésus qui se promenait, il dit : Voilà l’agneau de Dieu. 37 Les deux disciples l’entendirent parler ainsi, et ils suivirent Jésus. 38 Or Jésus s’étant retourné et les voyant qui le suivaient, leur dit : Que cherchez-vous? Ils lui répondirent ; Rabbi (ce qui veut dire, par interprétation, Maître), où demeurez-vous?
Note : Jean 1, 38 : Rabbi, qui veut dire Maître. C’est le titre que l’on donnait aux docteurs de la loi en Palestine et nous voyons par saint Jean, qui répète ce titre huit fois dans son Evangile, que c’était celui que les Apôtres donnaient à Jésus. Saint Matthieu et saint Marc ont rarement conservé le mot sémitique Rabbi : ces deux évangélistes ont ordinairement, et saint Luc a toujours traduit la signification de ce mot : Maître.
39 Il leur dit : Venez et voyez. Ils vinrent, et virent où il demeurait, et ils restèrent avec lui ce jour-là : or, il était environ la dixième heure,
Note : Jean 1, 39 : La dixième heure ; c’est-à-dire environ quatre heures après midi.
40 Or André, frère de Simon-Pierre, était un des deux qui avaient entendu de Jean ce témoignage, et qui avaient suivi Jésus. 41 Or il rencontra d’abord son frère Simon, et lui dit : Nous avons trouvé le Messie (ce qu’on interprète par le Christ). 42 Et il l’amena à Jésus. Et Jésus l’ayant regardé, dit : Tu es Simon, fils de Jona; tu seras appelé Céphas, ce qu’on interprète par Pierre.
43 Le lendemain, Jésus voulut aller en Galilée ; il trouva Philippe et lui dit : Suis-moi.
Note : Jean 1, 43 : En Galilée. Voir la note 29 à la fin du volume.
44 Or Philippe était de Bethsaïde, de la même ville qu’André et Pierre.
Note : Jean 1, 44 : Bethsaïde de Galilée. Voir Matthieu, 11, 21.
45 Philippe trouva Nathanaël, et lui dit : Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi et ensuite les prophètes, Jésus, fils de Joseph de Nazareth.
Note : Jean 1, 45 : Voir Genèse, 49, 10 ; Deutéronome, 18, 18 ; Isaïe, 40, 10 (? ) ; 45, 8 ; Jérémie, 23, 5 ; Ezéchiel, 34, 23 ; 37, 24 ; Daniel, 9, 24-25. ― Nathanaël, c’est-à-dire Dieudonné. On croit communément que c’est celui qui devint l’apôtre saint Barthélémy, Nathanaël étant son nom propre et Barthélémy étant un surnom qui veut dire fils de Tolmaï.
46 Et Nathanaël lui demanda : Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon? Philippe lui répondit : Viens et vois. 47 Jésus vit venir à lui Nathanaël. et il dit de lui : Voici vraiment un Israélite en qui il n’y a point d’artifice. 48 Nathanaël lui demanda : D’où me connaissez-vous? Jésus répondit et lui dit : Avant que Philippe t’appelât, lorsque tu étais sous le figuier, je t’ai vu.
Note : Jean 1, 48 : Sous le figuier. Le figuier peut atteindre une grande hauteur en Palestine et son feuillage serré et touffu produit une ombre très épaisse. Les rabbins juifs allaient volontiers étudier la loi de Moïse à l’ombre des figuiers.
49 Nathanaël lui répondit et dit : Rabbi, vous êtes le Fils de Dieu, vous êtes le roi d’Israël.
Note : Jean 1, 49 : Rabbi ; c’est-à-dire Maître.
50 Jésus répliqua et lui dit : Parce que je t’ai dit : Je t’ai vu sous le figuier, tu crois ; tu verras de plus grandes choses. 51 Et il ajouta : En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l’homme.