Chapitre 10
1 Après cela, le Seigneur désigna encore soixante-douze autres disciples, et les envoya deux à deux devant lui dans toutes les villes et tous les lieux où lui-même devait venir.
Note : Luc 10, 1 : « La liste des soixante-douze disciples ne nous a pas été transmise. Un petit nombre seulement sont connus avec certitude. On sait qu’ils furent choisis parmi ceux qui suivaient habituellement le Sauveur, et que le divin Maître les associa aux Apôtres pour les aider à instruire le peuple et le préparer à sa venue. Il est certain qu’ils étaient inférieurs aux douze, puisque Mathias, l’un d’entre eux, fut promu à l’apostolat à la place de Judas. Saint Ignace les assimile aux diacres et saint Jérôme aux prêtres. Leur ministère fut transitoire et purement personnel : ils ne transmirent à personne les pouvoirs qu’ils avaient reçus. ― Au lieu de soixante-douze disciples, la plupart des manuscrits grecs portent soixante-dix ; mais on peut croire que c’est un nombre rond employé pour soixante-douze, comme lorsqu’il s’agit des interprètes de l’Ancien Testament, ou des personnes dont se composait la famille de Jacob à son entrée en Egypte. ― On a fait cette remarque, que ce nombre répond à celui des peuples dont Moïse fait le dénombrement dans la Genèse, de même que le nombre douze répond à celui des tribus d’Israël ; car, d’après les Juifs, l’humanité se composait de soixante-dix (ou soixante-douze) peuples : quinze de Japhet, trente de Cham et vingt-sept de Sem. Cet accroissement du nombre des ouvriers apostoliques, de douze à soixante-douze, semblait annoncer l’extension prochaine de la prédication à l’univers entier. » (L. BACUEZ. )
2 Et il leur disait : La moisson est certainement grande, et les ouvriers en petit nombre. Priez donc le maître de la moisson, qu’il envoie des ouvriers en sa moisson.
Note : Luc 10, 2 : Voir Matthieu, 9, 37.
3 Allez : Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.
Note : Luc 10, 3 : Voir Matthieu, 10, 16.
4 Ne portez ni sac, ni bourse, ni chaussure, et ne saluez personne dans le chemin.
Note : Luc 10, 4 : Voir Marc, 6, 8 ; Matthieu, 10, 10 ; 4 Rois, 4, 29. ― Ne saluez personne dans votre chemin, manière de parler des Hébreux pour dire qu’il faut que rien ne les arrête en chemin.
5 En quelque maison que vous entriez, dites d’abord : Paix à cette maison !6 Et s’il s’y trouve un fils de la paix, votre paix reposera sur lui ; sinon, elle reviendra à vous.
Note : Luc 10, 6 : Un fils de la paix ; hébraïsme, pour quelqu’un digne de la paix.
7 Demeurez dans la même maison, mangeant et buvant de ce qui sera chez eux; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez point de maison en maison.
Note : Luc 10, 7 : Voir Deutéronome, 24, 14 ; Matthieu, 10, 10 ; 1 Timothée, 5, 18.
8 Et, en quelque ville que vous entriez, et où vous serez reçus, mangez ce qui vous sera présenté.
Note : Luc 10, 8 : Mangez ce qui vous sera présenté. Comparer à Matthieu, 15, 11.
9 Guérissez les malades qui s’y trouveront, et dites-leur : Le royaume de Dieu est proche de vous. 10 Mais, en quelque ville que vous soyez entrés, s’ils ne vous reçoivent point, sortez dans ses places, et dites :11 Nous secouons contre vous la poussière même de votre ville, qui s’est attachée à nos pieds; cependant sachez que le royaume de Dieu approche.
Note : Luc 10, 11 : Voir Actes des Apôtres, 13, 51.
12 Je vous le dis : Pour Sodome, en ce jour-là, il y aura plus de rémission que pour cette ville-là.
13 Malheur à toi, Corozaïn ! Malheur à toi, Bethsaïde ! Car si dans Tyr et Sidon s’étaient opérés les miracles qui ont été opérés au milieu de vous, elles auraient autrefois fait pénitence sous le cilice et assises dans la cendre.
Note : Luc 10, 13 : Voir Matthieu, 11, 21. ― Corozaïn, Bethsaïde. Voir Matthieu, note 11. 21. ― Tyr et Sidon. Voir Marc, 3, 8.
14 Mais, pour Tyr et Sidon, il y aura au jugement plus de rémission que pour vous. 15 Et toi, Capharnaüm, élevée jusqu’au ciel, tu seras plongée jusqu’au fond de l’enfer.
Note : Luc 10, 15 : Capharnaüm. Voir Matthieu, 4, 13.
16 Qui vous écoute, m’écoute; et qui vous méprise, me méprise ; mais qui me méprise, méprise celui qui m’a envoyé.
Note : Luc 10, 16 : Voir Matthieu, 10, 40 ; Jean, 13, 20.
17 Or les soixante-douze revinrent avec joie, disant : Seigneur, les démons mêmes nous sont soumis en votre nom. 18 Et il leur dit : Je voyais Satan tombant du ciel comme la foudre. 19 Voilà que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions, et toute la puissance de l’ennemi; et rien ne vous nuira. 20 Cependant, ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis; mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux.
21 En cette heure même, il tressaillit de joie par l’Esprit-Saint, et dit : Je vous rends gloire, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents, et que vous les avez révélées aux petits. Oui, Père, car il vous a plu ainsi.
Note : Luc 10, 21 : Voir Matthieu, 11, 25.
22 Toutes choses m’ont été données par mon Père. Et personne ne sait quel est le Fils, sinon le Père; et quel est le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils a voulu le révéler. 23 Et, se tournant vers ses disciples, il dit : Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez!
Note : Luc 10, 23 : Voir Matthieu, 13, 16.
24 Car, je vous le dis, beaucoup de prophètes et de rois ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont point vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont point entendu.
25 Et voilà qu’un docteur de la loi, se levant pour le tenter, dit : Maître, que ferai-je pour posséder la vie éternelle?
Note : Luc 10, 25 : Voir Matthieu, 22, 35 ; Marc, 12, 28.
26 Jésus lui dit : Qu’y a-t-il d’écrit dans la loi? Qu’y lis-tu? 27 Celui-ci répondant, dit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toutes tes forces, et de tout ton esprit ; et ton prochain comme toi-même.
Note : Luc 10, 27 : Voir Deutéronome, 6, 5.
28 Jésus lui dit : Tu as bien répondu ; fais cela, et tu vivras. 29 Mais lui, voulant se justifier lui-même, dit à Jésus : Et qui est mon prochain?
30 Jésus reprenant, dit : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba entre les mains de voleurs qui, l’ayant dépouillé et couvert de plaies, s’en allèrent, le laissant à demi mort.
Note : Luc 10, 30 : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. « Il descendait, car Jérusalem est beaucoup plus élevée que Jéricho. La distance entre ces deux villes était d’environ cent cinquante stades (en stades olympiques, de 27 à 28 kilomètres) ; la route traversait une contrée aride, un désert. La plaine de Jéricho, véritable oasis dans le désert, était d’une grande fertilité, renommée pour ses roses, son miel et les meilleurs produits de la Palestine. Le misérable village de Riha occupe aujourd’hui l’emplacement de l’ancienne Jéricho. ― Pendant son voyage, il tomba entre les mains des voleurs qui, l’ayant dépouillée, etc. Josèphe raconte que la Palestine était alors infestée de brigands, et saint Jérôme nous apprend qu’une partie de la route de Jérusalem à Jéricho était appelée le chemin du sang, à cause du sang qui y avait été répandu ; il y avait là une garnison romaine, pour la protection des voyageurs. Aujourd’hui encore les Arabes du désert pillent fréquemment ceux qui parcourent cette contrée. » (TRENCH. )
31 Or il arriva qu’un prêtre descendait par le même chemin; et l’ayant vu, passa outre. 32 Pareillement un lévite, se trouvant près de là, le vit, et passa outre aussi. 33 Mais un Samaritain, qui était en voyage, vint près de lui, et, le voyant, fut touché de compassion.
34 Et, s’approchant, il banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin; et, le mettant sur sa monture, il le conduisit en une hôtellerie, et prit soin de lui.
Note : Luc 10, 34 : De l’huile et du vin. Les anciens se servaient de l’huile et du vin pour panser les blessures, du vin pour les laver et les purifier, de l’huile pour en calmer l’irritation. ― En une hôtellerie, non en une hôtellerie proprement dite, mais dans le khan ou caravansérail. Voir Luc, 2, 7. La tradition place ce caravansérail à Khan-el-Akhmar.
35 Et le jour suivant, il tira deux deniers, et les donnant à l’hôte, dit : Aie soin de lui, et tout ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour.
Note : Luc 10, 35 : Deux deniers. Voir Matthieu, 18, 28. ― L’hôte, celui qui est chargé de la garde du caravansérail.
36 Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui tomba entre les mains des voleurs? 37 Le docteur répondit : Celui qui a été compatissant pour lui. Et Jésus lui dit : Va, et fais de même.
38 Or il arriva que pendant qu’ils étaient en chemin, il entra dans un village, et une femme, nommée Marthe, le reçut dans sa maison ;
Note : Luc 10, 38 : Dans un village. « Dans la partie méridionale de la Galilée, non loin de Naïm. » (Mgr DARBOY. ) A Béthanie, selon d’autres commentateurs. ― Une femme nommée Marthe le reçut dans sa maison. « Marthe avait pour soeur Marie-Madeleine et pour frère Lazare ; ils appartenaient à une famille considérable. Il semble que Marthe fut l’aînée, car elle est toujours citée la première ; c’est aussi à cause de cette qualité sans doute qu’on la voit faire à Jésus-Christ les honneurs de la maison et déployer plus que personne les sollicitudes de l’hospitalité. Sa soeur Marie était d’une nature moins agissante. On pense que Lazare, Marthe et Marie-Madeleine quittèrent la Galilée avec leur maître et ami divin, et fixèrent leur séjour en Judée, non loin de Jérusalem. Il est certain, dans tous les cas, qu’ils habitaient le bourg de Béthanie, à quinze stades ou trois quarts de lieue de la ville sainte, durant les six mois qui précédèrent la mort du Sauveur » (Mgr DARBOY) Voir Matthieu, note 27. 56.
39 Et celle-ci avait une soeur, nommée Marie, laquelle assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole.
Note : Luc 10, 39 : Marie Madeleine. Voir Matthieu, 27, 56.
40 Cependant Marthe s’occupait avec empressement des soins nombreux du service; elle s’arrêta et dit : Seigneur, ne voyez-vous pas que ma soeur me laisse servir seule? dites-lui donc qu’elle m’aide. 41 Mais le Seigneur répondant, lui dit : Marthe, Marthe, vous vous inquiétez et vous vous troublez de beaucoup de choses. 42 Or une seule chose est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera pas ôtée.
Note : Luc 10, 42 : Marie a choisi la meilleure part. « Non pas que le Seigneur voulût blâmer Marthe, car elle eut aussi sa récompense, c’est-à-dire le don de la foi et de la charité, mais il voulait recommander la noble occupation de Marie, qui a tant d’influence sur les destinées de l’âme humaine. L’antiquité ecclésiastique a toujours vu dans ces deux femmes le double symbole de la vie active et répandue en bonnes oeuvres et de la vie contemplative et consumée en ardentes prières. » (Mgr DARBOY. )