Chapitre 27
1 Or le matin étant venu, tous les princes des prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus, pour le livrer à la mort.
Note : Matth. 27, 1 : Les princes des prêtres et les anciens du peuple. Voir Matthieu, 26, 3.
Note : Matth. 27, 1 : 5 A un des jours de la fête solennelle ; c’est-à-dire pendant la fête de pâque (Comparer à Jean, 18, 39). Comme c’était la plus grande de leurs solennités, les Juifs la désignaient assez ordinairement sous le nom de la fête.
2 Et l’ayant lié, ils l’emmenèrent, et le livrèrent à Ponce Pilate, gouverneur.
Note : Matth. 27, 2 : Voir Marc, 15, 1 ; Luc, 23, 1 ; Jean, 18, 28. ― « Ponce-Pilate fut le cinquième procurateur envoyé de Rome en Judée. Il gouverna cette province de l’an 26 à l’an 36 de l’ère chrétienne, sous les ordres du légat de Syrie. C’était une créature de Séjan, favori de Tibère. Par ménagement pour la susceptibilité des Juifs, il résidait à Césarée de Palestine, place forte sur la côte de la mer ; mais, comme Antipas, il venait à Jérusalem au temps des grandes fêtes, et alors il habitait le prétoire, demeure contigüe au palais d’Hérode et à la tour Antonia. » (L. BACUEZ. )
3 Alors Judas, qui l’avait livré, voyant qu’il était condamné, fut touché de repentir et reporta les trente pièces d’argent aux princes des prêtres et aux anciens, 4 Disant : J’ai péché en livrant un sang innocent. Mais eux lui répondirent : Que nous importe? Vois toi-même. 5 Alors ayant jeté l’argent dans le temple, il se retira et alla se pendre.
Note : Matth. 27, 5 : Voir Actes des Apôtres, 1, 18.
6 Mais les princes des prêtres, ayant pris l’argent, dirent : Il n’est pas permis de le mettre dans le trésor, parce que c’est le prix du sang.
Note : Matth. 27, 6 : Le trésor était l’endroit du temple où le peuple mettait ses présents et ses offrandes.
7 Et après s’être consultés entre eux, ils en achetèrent le champ du potier, pour la sépulture des étrangers.
Note : Matth. 27, 7 : Du potier ; c’est-à-dire du potier de ce lieu.
8 C’est pourquoi ce champ est encore aujourd’hui appelé Haceldama, c’est-à-dire le champ du sang.
Note : Matth. 27, 8 : Voir Actes des Apôtres, 1, 19. ― Haceldama, c’est-à-dire le champ du sang. L’emplacement traditionnel de ce champ, qui porte toujours le même nom, est au sud de Jérusalem, sur le versant méridional de la vallée de Ben-Hinnon.
9 Alors fut accomplie la parole du prophète Jérémie, disant : Ils ont reçu les trente pièces d’argent, prix de celui qui a été apprécié suivant l’appréciation des enfants d’Israël;
Note : Matth. 27, 9 : Voir Zacharie, 11, 12. ― Le texte qui est rapporté ici ne se lit pas dans Jérémie ; mais on en trouve la substance dans Zacharie. Saint Matthieu a pu se borner à dire du prophète, sans ajouter aucun nom. Il est certain que la version syriaque et plusieurs anciens manuscrits latins ne nomment pas le prophète. Cependant les interprètes ne conviennent pas tous que saint Matthieu ait fait cette omission, et ils cherchent à maintenir, les uns le nom de Jérémie, les autres celui de Zacharie.
10 Et ils les ont données pour le champ du potier, ainsi que me l’a prescrit le Seigneur.
11 Or Jésus comparut devant le gouverneur, qui l’interrogea, disant : Es-tu le roi des Juifs? Jésus lui répondit : Tu le dis.
Note : Matth. 27, 11 : Voir Marc, 15, 2 ; Luc, 23, 3 ; Jean, 18, 33.
12 Et comme les princes des prêtres et les anciens l’accusaient, il ne répondit rien. 13 Alors Pilate lui dit : N’entends-tu point combien de témoignages ils rendent contre toi? 14 Mais il ne répondit à aucune de ses paroles, de sorte que le gouverneur en était extrêmement étonné.
15 A un des jours de la fête solennelle, le gouverneur avait coutume de délivrer au peuple un prisonnier, celui qu’ils voulaient. 16 Or il avait alors un prisonnier insigne nommé Barabbas.
Note : Matth. 27, 16 : Barabbas, d’après les détails fournis par les divers évangélistes, avait trempé dans une sédition, et il était voleur et assassin.
17 Le peuple étant donc assemblé, Pilate dit : Lequel voulez-vous que je vous délivre, Barabbas ou Jésus, qui est appelé Christ? 18 Car il savait que c’était par envie qu’ils l’avaient livré. 19 Or, pendant qu’il siégeait sur son tribunal, sa femme lui envoya dire : Qu’il n’y ait rien entre toi et ce juste; car j’ai beaucoup souffert aujourd’hui dans un songe à cause de lui.
Note : Matth. 27, 19 : Sa femme, Claudia Procula ou Procla, d’après la tradition.
20 Mais les princes des prêtres et les anciens persuadèrent au peuple de demander Barabbas, et de faire périr Jésus.
Note : Matth. 27, 20 : Voir Marc, 15, 11 ; Luc, 23, 18 ; Jean, 18, 40 ; Actes des Apôtres, 3, 14.
21 Le gouverneur donc prenant la parole, leur dit : Lequel des deux voulez-vous que je vous délivre? Ils répondirent : Barabbas.
22 Pilate leur demanda : Que ferai-je donc de Jésus appelé Christ? 23 Ils s’écrièrent tous : Qu’il soit crucifié. Le gouverneur leur repartit : Quel mal a-t-il fait? Mais ils criaient encore plus, disant : Qu’il soit crucifié. 24 Pilate voyant qu’il ne gagnait rien, mais que le tumulte augmentait, prit de l’eau et se lava les mains devant le peuple, disant : Je suis innocent du sang de ce juste : voyez vous-mêmes.
Note : Matth. 27, 24 : Les païens aussi se lavaient les mains, soit dans les alliances, soit dans les sacrifices qu’ils offraient aux dieux supérieurs, soit enfin pour expier un meurtre ou se purifier du sang répandu même à la guerre ; mais on pense généralement que Pilate a voulu dans cette circonstance se conformer à l’usage des Juifs pour leur être agréable.
25 Et tout le peuple répondant, dit : Son sang sur nous et sur nos enfants !
26 Alors il leur délivra Barabbas ; mais Jésus, après l’avoir fait flageller, il le leur livra pour être crucifié,
Note : Matth. 27, 26 : Le supplice de la croix était la peine des esclaves, des voleurs, mais surtout des séditieux, suivant les lois romaines. Les Hébreux, selon Maimonide, ne crucifiaient régulièrement pas les hommes en vie, mais après leur mort ; ils les attachaient au poteau et les en détachaient avant le coucher du soleil. Comparer à Deutéronome, 21, vv. 22, 23.
27 Aussitôt les soldats du gouverneur menant Jésus dans le prétoire, rassemblèrent autour de lui toute la cohorte ;
Note : Matth. 27, 27 : Voir Marc, 15, 16 ; Psaumes, 21, 17. ― La cohorte romaine se comportait de six cent vingt-cinq hommes. ― Menant Jésus dans le prétoire. Le prétoire, qui désigna d’abord la tente du général en chef dans le camp, fut aussi plus tard le nom donné à la résidence du gouverneur de province, comme était Pilate. C’est là qu’il habitait et qu’il rendait la justice. Les évangélistes ont conservé le nom latin grécisé que les Latins avaient donné au palais du procurateur dans la capitale de la Judée. A la place où s’élevait autrefois le Prétoire est aujourd’hui en grande partie, à ce qu’on croit, la cour actuelle de la caserne turque, au nord-ouest du Temple. On y voit encore de grosses pierres qu’on dit avoir appartenu au prétoire. « L’escalier, qui de la cour supérieure où était le prétoire, conduisait dans la cour inférieure occupée aujourd’hui par une rue, a été transportée à Rome, où il est vénéré près de Saint-Jean de Latran. » (J. H. MICHON. )
28 Et, l’ayant dépouillé, ils l’enveloppèrent d’un manteau d’écarlate ;
Note : Matth. 27, 28 : Ils l’enveloppèrent d’un manteau d’écarlate. En grec : d’une chlamyde. C’était une espèce de manteau de laine, ouvert et retroussé sur l’épaule gauche, où il s’attachait avec une agrafe, afin de laisser le bras droit libre. Le nom est d’origine grecque ; il désigne ici le paludamentum, vêtement militaire des soldats romains. Il était de forme ovale, se portait par-dessus la cuirasse et retombait en arrière, à peu près jusqu’à mi-jambe. Les tribuns le portaient de couleur blanche ; les généraux et les empereurs de couleur pourpre.
29 Puis tressant une couronne d’épines, ils la mirent sur sa tête, et un roseau dans sa main droite; et fléchissant le genou devant lui, ils le raillaient, disant : Salut, roi des Juifs.
Note : Matth. 27, 29 : Voir Jean, 19, 2. ― Une couronne d’épines. La couronne qu’on mit sur la tête de Notre-Seigneur était de joncs, entrelacés d’épines de zizyphus. La couronne proprement dite est conservée à Notre-Dame de Paris ; Pise possède dans sa jolie église de la Spina une branche de zizyphus. La couronne de joncs de Paris, « cette relique insigne, peut-être la plus remarquable de celles que possèdent les chrétiens, à cause de son intégrité relative ; vient sans conteste de saint Louis. Elle se compose d’un anneau de petits joncs réunis en faisceaux. Le diamètre intérieur de l’anneau est de 210 millimètres, la section a 15 millimètres de diamètre. Les joncs sont reliés par quinze ou seize attaches de joncs semblables. Quelques joncs sont pliés et font voir que la plante est creuse ; leur surface, examinée à la loupe, est sillonnée de petites côtes. Le jardin des Plantes de Paris cultive un jonc appelé juncus balticus, originaire des pays chauds et qui paraît exactement semblable à la relique de Notre-Dame. Quant aux épines, nul doute que ce ne soit du rhamnus, nom générique de trois plantes qui se rapprochent tout-à-fait de l’épine de Pise. [Ce rhamnus était le zizyphus spina Christi ou jujubier. Dans la couronne de Notre-Seigneur, ses] branches brisées ou courbées vers le milieu pour prendre la forme d’un bonnet, étaient fixées par chacune de leurs extrémités, soit en dedans, soit au dehors du cercle de joncs. Il fallait que le cercle fût plus grand que le tour de la tête, afin de l’y pouvoir faire entrer, malgré le rétrécissement causé par l’introduction des branches, et l’on trouve en effet que la couronne de Notre-Dame placée seule sur la tête tomberait sur les épaules. On n’avait même pas besoin de nouveaux liens pour les fixer au cercle de joncs ; et les rameaux passaient alternativement dessus et dessous devaient suffire pour les maintenir. C’est cette opération que les [évangélistes] ont pu appeler le tressage. Les soldats sans doute, évitèrent de toucher à ces horribles épines, dont chacune, plus tranchante que la griffe du lion, fait jaillir le sang en abondance. [La branche de zizyphus de Pise] a 80 millimètres de hauteur. L’épine principale a plus de 20 millimètres de longueur. » (ROHAULT DE FLEURY. )
30 Et, crachant sur lui, ils prenaient le roseau, et en frappaient sa tête. 31 Après qu’ils se furent ainsi joués de lui, ils lui ôtèrent le manteau, le couvrirent de ses vêtements, et l’emmenèrent pour le crucifier.
32 Or, comme ils sortaient, ils rencontrèrent un homme de Cyrène, nommé Simon; ils le contraignirent de porter sa croix. 33 Et ils vinrent au lieu appelé Golgotha, qui est le lieu du Calvaire. 34 Là, ils lui donnèrent à boire du vin mêlé avec du fiel; mais lorsqu’il l’eut goûté, il ne voulut pas boire. 35 Après qu’ils l’eurent crucifié, ils partagèrent ses vêtements, jetant le sort, afin que fût accomplie la parole du prophète, disant : Ils se sont partagé mes vêtements, et sur ma robe, ils ont jeté le sort. 36 Puis s’étant assis, ils le gardaient. 37 Et ils mirent au-dessus de sa tête sa condamnation ainsi écrite : Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs. 38 Alors furent crucifiés avec lui deux voleurs, l’un à droite et l’autre à gauche. 39 Or les passants le blasphémaient, branlant la tête, 40 Et disant : Ah ! toi qui détruis le temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même. Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix. 41 Pareillement les princes des prêtres eux-mêmes se moquant de lui avec les scribes et les anciens, disaient :42 Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même : s’il est le roi d’Israël, qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui :43 Il se confie en Dieu; qu’il le délivre maintenant, s’il veut; car il a dit : Je suis le Fils de Dieu. 44 Or, c’était aussi l’insulte que lui faisaient les voleurs qui étaient crucifiés avec lui.
45 Mais, depuis la sixième heure, les ténèbres se répandirent sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure.
46 Et, vers la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte, disant: Eli, Eli, lamma sabacthani? c’est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous délaissé? 47 Mais quelques-uns de ceux qui étaient là, et qui entendaient, disaient : C’est Elie que celui-ci appelle. 48 Et aussitôt l’un d’eux, courant, prit une éponge, l’emplit de vinaigre, puis la mit au bout d’un roseau, et il lui présentait à boire. 49 Mais les autres disaient : Laisse, voyons si Elie viendra le délivrer.
50 Cependant Jésus, criant encore d’une voix forte, rendit l’esprit.
51 Et voilà que le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas, et la terre trembla, les pierres se fendirent, 52 Les sépulcres s’ouvrirent, et beaucoup de corps des saints qui s’étaient endormis se levèrent; 53 Et sortant de leurs tombeaux, après sa résurrection, ils vinrent dans la cité sainte, et apparurent à un grand nombre de personnes.
54 Le centurion et ceux qui étaient avec lui pour garder Jésus, voyant le tremblement de terre et tout ce qui se passait, furent saisis d’une extrême frayeur, et dirent : Vraiment, celui-ci était le Fils de Dieu.
55 Il y avait aussi à quelque distance de là beaucoup de femmes qui, de la Galilée, avaient suivi Jésus pour le servir; 56 Et parmi lesquelles étaient Marie-Madeleine, et Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée.
57 Or, quand il se fit soir, vint un homme riche d’Arimathie, du nom de Joseph, qui, lui aussi, était disciple de Jésus, 58 Cet homme vint à Pilate, et lui demanda le corps de Jésus. Alors Pilate commanda que le corps fût remis. 59 Ayant donc reçu le corps, Joseph l’enveloppa dans un linceul blanc; 60 Et il le mit dans son sépulcre neuf qu’il avait fait tailler dans le roc. Ensuite il roula une grande pierre à l’entrée du sépulcre, et s’en alla. 61 Mais Marie-Madeleine et l’autre Marie étaient là, assises près du sépulcre.
62 Le lendemain, c’est-à-dire le jour d’après la préparation du sabbat, les princes des prêtres et les pharisiens vinrent ensemble vers Pilate, 63 Et lui dirent : Seigneur, nous nous sommes rappelé que ce séducteur a dit, lorsqu’il vivait encore : Après trois jours je ressusciterai. 64 Commandez donc que le sépulcre soit gardé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent et ne le dérobent, et ne disent au peuple : Il est ressuscité d’entre les morts; et la dernière erreur serait pire que la première. 65 Pilate leur dit : Vous avez des gardes; allez, et gardez-le comme vous l’entendez. 66 Ceux-ci donc s’en allant, munirent le sépulcre, scellant la pierre, et mettant des gardes.