Chapitre 20
1 Le royaume des cieux est semblable à un père de famille qui sortit de grand matin, afin de louer des ouvriers pour sa vigne.
Note : Matth. 20, 1- : 16 Cette parabole est une explication de la fin du chapitre précédent. Elle nous montre que Dieu est maître de ses dons, et qu’il peut se faire que celui qui a travaillé une heure mérite autant que celui qui a travaillé une journée entière, s’il l’a fait avec plus de zèle. Elle s’applique aux gentils qui, n’entrant qu’à la dernière heure dans l’Eglise, auront part à la même récompense que les Juifs qui y ont été appelés les premiers. ― Il faut remarquer d’ailleurs que « quand Jésus-Christ se sert d’une comparaison, énonce une parabole, il ne veut pas nous faire entendre qu’il y ait toujours une parité complète entre l’allégorie et la vérité. Il ne faut prendre souvent que le fond des choses et les circonstances générales. Tout le reste n’est pour l’ordinaire qu’une espèce d’ornement sur lequel il est bon de ne pas trop s’appesantir. Il y a des traits qui sont nécessaires pour le complément de la figure, dit saint Jean Chrysostome, et qui ne le sont nullement pour la réalité. [Ici] l’excuse des ouvriers du soir, le murmure de ceux de la première heure, les reproches du maître n’ont point d’application. » (Mgr PICHENOT. )
2 Or, convention faite avec les ouvriers d’un denier par jour, il les envoya à sa vigne.
Note : Matth. 20, 2 : Un denier. Voir Matthieu, 18, 28.
3 Et étant sorti de nouveau, vers la troisième heure, il en vit d’autres qui se tenaient sur la place sans rien faire.
Note : Matth. 20, 3 : Vers la troisième heure. Vers neuf heures du matin.
4 Et il leur dit : Allez, vous aussi, à ma vigne, et ce qui sera juste, je vous le donnerai. 5 Et ils y allèrent. Il sortit encore vers la sixième et la neuvième heure, et il fit la même chose.
Note : Matth. 20, 5 : . Vers la sixième et la neuvième heure. Vers midi et trois heures de l’après-midi.
6 Enfin, vers la onzième heure, il sortit, et il en trouva d’autres qui étaient là, et il leur dit : Pourquoi êtes-vous ici, tout le jour, sans rien faire ?
Note : Matth. 20, 6 : Vers la onzième heure. Vers cinq heures du soir.
7 Ils répondirent : Parce que personne ne nous a loués. Il leur dit : Allez, vous aussi, à ma vigne. 8 Or, lorsqu’il se fit soir, le maître de la vigne dit à son intendant : Appelle les ouvriers, et paye-les, en commençant par les derniers jusqu’aux premiers. 9 Ceux donc qui étaient venus vers la onzième heure s’étant approchés, reçurent chacun un denier. 10 Or les premiers venant ensuite, pensèrent qu’ils devraient recevoir davantage ; mais ils reçurent aussi chacun un denier. 11 Et en le recevant, ils murmuraient contre le père de famille, 12 Disant : Ces derniers ont travaillé une heure, et vous les traitez comme nous, qui avons porté le poids du jour et de la chaleur. 13 Mais, répondant à l’un d’eux, il dit : Mon ami, je ne te fais point de tort ; n’es-tu pas convenu d’un denier avec moi ? 14 Prends ce qui est à toi et va-t’en ; je veux donner même à ce dernier autant qu’à toi. 15 Ne m’est-il pas permis de faire ce que je veux? et ton oeil est-il mauvais parce que je suis bon?
Note : Matth. 20, 15 : Ton oeil est-il mauvais ? Dans le style des Hébreux, comme dans celui des Grecs et des Latins, un mauvais oeil est un oeil jaloux et désigne un homme envieux et souvent un avare. Au contraire, un oeil bon marque la bonté, la libéralité.
16 Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers ; car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus.
Note : Matth. 20, 16 : Voir Matthieu, 19, 30 ; Marc, 10, 31 ; Luc, 13, 30. ― Ainsi les derniers, etc. Il semble au premier abord que la conclusion de cette parabole manque de justesse, et qu’il aurait fallu la terminer ainsi : Les derniers seront comme les premiers. C’est en effet le sens du texte original, où la particule de comparaison comme se trouve sous-entendue en vertu d’un hébraïsme que les auteurs du Nouveau-Testament ont souvent imité.
17 Or Jésus montant à Jérusalem prit à part les douze disciples et leur dit :
Note : Matth. 20, 17 : Voir Marc, 10, 32 ; Luc, 18, 31.
18 Voilà que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l’homme sera livré aux princes des prêtres et aux scribes, et ils le condamneront à mort. 19 Et ils le livreront aux gentils pour être moqué et flagellé et crucifié ; et le troisième jour il ressuscitera.
20 Alors la mère des fils de Zébédée s’approcha de lui avec ses fils, l’adorant et lui demandant quelque chose.
Note : Matth. 20, 20 : Voir Marc, 10, 35. ― La mère des fils de Zébédée s’appelait Salomé. Ses deux fils étaient saint Jacques le Majeur et saint Jean l’Evangéliste.
21 Jésus lui dit : Que voulez-vous ? Elle lui répondit : Ordonnez que mes deux fils que voici soient assis, l’un à votre droite, l’autre à votre gauche, dans votre royaume. 22 Mais, répondant, Jésus dit : Vous ne savez ce que vous demandez. Pouvez-vous boire le calice que je vais boire? Ils lui répondirent : Nous le pouvons.
Note : Matth. 20, 22 : Ce calice désigne les souffrances de Jésus-Christ.
23 Il leur dit : Vous boirez en effet mon calice : mais d’être assis à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de vous l’accorder à vous, mais à ceux à qui mon Père l’a préparé.
Note : Matth. 20, 23 : Pour attacher ses disciples à la foi dont ils ne comprenaient pas encore la vertu, le Sauveur remet à son Père ce qui regarde la gloire, et ne se réserve que de prédire et de distribuer les afflictions ; quoique cependant tout ce qui est au Père soit au Fils, et tout ce qui est au Fils soit au Père (voir Jean, 17, 10).
24 Or, entendant cela, les dix s’indignèrent contre les deux frères.
Note : Matth. 20, 24 : Voir Marc, 10, 41. ― Or les dix ; c’est-à-dire les dix autres apôtres.
25 Mais Jésus les appela à lui, et leur dit : Vous savez que les princes des nations les dominent, et que les grands exercent la puissance sur elles.
Note : Matth. 20, 25 : Voir Luc, 22, 25.
26 Il n’en sera pas ainsi parmi vous ; mais que celui qui voudra être le plus grand parmi vous, soit votre serviteur ; 27 Et celui qui voudra être le premier parmi vous sera votre esclave. 28 Comme le Fils de l’homme n’est point venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour la rédemption d’un grand nombre.
Note : Matth. 20, 28 : Voir Philippiens, 2, 7. ― D’un grand nombre ; c’est-à-dire de tous, de tout le monde (ce qui constitue en effet un grand nombre), comme l’explique saint Jean dans sa première épître (voir 1 Jean, 2, 2). On pourrait encore entendre cette expression de ceux-là seulement qui, par leur foi et leur conduite vraiment chrétienne, ont une part réelle aux mérites du Sauveur, mérites que les autres ont volontairement refusé de s’appliquer.
29 Lorsqu’ils sortaient de Jéricho, une grande foule le suivit :
Note : Matth. 20, 29 : Voir Marc, 10, 46 ; Luc, 18, 35.
30 Et voilà que deux aveugles assis sur le bord du chemin, entendirent que Jésus passait ; et ils élevèrent la voix, disant : Seigneur, fils de David, ayez pitié de nous. 31 Et la foule les gourmandait pour qu’ils se tussent ; mais eux criaient encore plus, disant : Seigneur, fils de David, ayez pitié de nous. 32 Alors Jésus s’arrêta, les appela, et dit : Que voulez-vous que je vous fasse? 33 Ils lui répondirent : Seigneur, que nos yeux s’ouvrent. 34 Et ayant pitié d’eux, Jésus toucha leurs yeux ; et aussitôt ils recouvrèrent la vue et ils le suivirent.