Chapitre 16
1 Alors vinrent à lui les pharisiens et les sadducéens, pour le tenter, et ils le prièrent de leur faire voir un prodige dans le ciel.
Note : Matth. 16, 1 : Voir Marc, 8, 11.
2 Mais Jésus répondant leur dit : Le soir venu, vous dites : Il fera beau, car le ciel est rouge.
Note : Matth. 16, 2 : Voir Luc, 12, 54.
3 Et le matin : Aujourd’hui, de l’orage, car le ciel est sombre et rougeâtre. 4 Vous savez donc juger l’aspect du ciel, et vous ne savez pas reconnaître les signes des temps ? Une génération méchante et adultère demande un prodige, et il ne lui sera point donné de prodige, si ce n’est le prodige du prophète Jonas. Et les ayant quittés, il s’en alla.
Note : Matth. 16, 4 : Voir Matthieu, 12, 39 ; Jonas, 2, 1.
5 Or, lorsque ses disciples étaient venus de l’autre côté de la mer, ils avaient oublié de prendre des pains.
Note : Matth. 16, 5 : C’était la coutume de ces temps et de ce pays que les voyageurs portassent le pain dont ils pourraient avoir besoin.
6 Jésus leur dit : Gardez-vous soigneusement du levain des pharisiens et des sadducéens.
Note : Matth. 16, 6 : Voir Marc, 8, 15 ; Luc, 12, 1.
7 Mais eux pensaient en eux-mêmes, disant : C’est parce que nous n’avons pas pris de pains. 8 Or Jésus le sachant dit : Pourquoi pensez-vous en vous-mêmes, hommes de peu de foi, à ce que vous n’avez pas de pains? 9 Ne comprenez-vous pas encore, et ne vous souvient-il point des cinq pains distribués aux cinq mille hommes, et combien de corbeilles vous avez remportées?
Note : Matth. 16, 9 : Voir Matthieu, 14, 17 ; Jean, 6, 9.
10 Ni des sept pains distribués aux quatre mille hommes et combien de corbeilles vous avez remportées?
Note : Matth. 16, 10 : Voir Matthieu, 15, 34.
11 Comment ne comprenez-vous point que ce n’est pas au sujet du pain que je vous ai dit : Gardez-vous du levain des pharisiens et des sadducéens? 12 Alors ils comprirent qu’il n’avait pas dit de se garder du levain des pains, mais de la doctrine des pharisiens et des sadducéens.
13 Or Jésus vint aux environs de Césarée de Philippe, et il interrogeait ses disciples, disant : Quel est celui que les hommes disent être le Fils de l’homme?
Note : Matth. 16, 13 : Voir Marc, 8, 27. ― Césarée de Philippe, au pied de l’Hermon, près d’une des sources du Jourdain, en Gaulonitide, s’appelait d’abord Panéas. Quand Philippe le tétrarque l’eut agrandie, il l’appela Césarée en l’honneur de Tibère César, et on y ajouta le nom même de Philippe pour le distinguer de la Césarée bâtie sur la Méditerranée, par Hérode le Grand, entre Joppé et Dora. Aujourd’hui Césarée de Philippe a repris son nom primitif sous la forme Bânias et compte environ 150 maisons.
14 Ceux-ci répondirent : Les uns disent que c’est Jean-Baptiste; d’autres, Elie; d’autres Jérémie, ou quelqu’un des prophètes.
Note : Matth. 16, 14 : Voir Marc, 8, 28 ; Luc, 9, 19.
15 Jésus leur demanda : Et vous, qui dites-vous que je suis ? 16 Prenant la parole, Simon Pierre dit : Vous êtes le Christ, le fils du Dieu vivant.
Note : Matth. 16, 16 : Voir Jean, 6, 70.
17 Et Jésus répondant, lui dit : Tu es heureux, Simon, fils de Jean, car ni la chair ni le sang ne t’ont révélé ceci, mais mon Père qui est dans les cieux. 18 Aussi moi je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle.
Note : Matth. 16, 18 : Voir Jean, 1, 42. ― Dans le syro-chaldéen que l’on parlait au temps de Jésus-Christ, il n’y avait point de différence entre le nom propre Pierre, et le nom commun pierre ; c’est pourquoi, dans cette langue, l’allusion est plus naturelle. ― Les portes de l’enfer, c’est-à-dire le palais, le royaume de l’enfer, l’enfer lui-même. Comme partie principale d’un édifice, les portes sont mises pour le tout. On dit la Porte Ottomane pour le royaume ottoman. Remarquez aussi que l’enfer est souvent représenté dans l’Ecriture comme un palais ayant des portes et des verrous.
19 Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans les cieux; et tout ce que tu délieras sur la terre, sera aussi délié dans les cieux.
Note : Matth. 16, 19 : Voir Isaïe, 22, 22 ; Jean, 20, 23. ― Les mots lier et délier sont synonymes d’ouvrir et de fermer ; parce qu’anciennement on ouvrait les portes en déliant la barre, et on les fermait en la liant. Les clefs sont le symbole de la puissance. Voir Jean, 21, 17.
20 Alors il commanda à ses disciples de ne dire à personne qu’il était lui-même Jésus le Christ.
21 Dès lors Jésus commença à découvrir à ses disciples qu’il fallait qu’il allât à Jérusalem, qu’il souffrît beaucoup de la part des anciens, des scribes et des princes des prêtres ; qu’il fût mis à mort et que le troisième jour il ressuscitât.
Note : Matth. 16, 21 : De la part des anciens, des scribes et des princes des prêtres. Les anciens, titre de dignité, dont il est si souvent question dans les Evangiles, sont les membres du sanhédrin. Cette dénomination provient de ce que primitivement les chefs des villes et les juges étaient choisis parmi les vieillards. Dans plusieurs passages des Actes des Apôtres, 11, 30, etc. , et dans les Epîtres, le mot d’anciens a un autre sens, comme il sera expliqué en son lieu. ― Sur les scribes et les princes des prêtres, voir Matthieu, note 2. 4.
22 Et, le prenant à part, Pierre se mit aie reprendre, disant: A Dieu ne plaise. Seigneur! cela ne vous arrivera point. 23 Mais Jésus se retournant, dit à Pierre : Retire-toi de moi , Satan; tu es un scandale pour moi, parce que tu ne goûtes pas ce qui est de Dieu, mais ce qui est des hommes.
Note : Matth. 16, 23 : Voir Marc, 8, 33. ― Retire-toi, etc. C’est comme si le Sauveur disait : Ma volonté et celle de mon Père est que je meure pour le salut des hommes, et tu veux m’empêcher de souffrir ; tu mérites donc d’être appelé Satan, c’est-à-dire adversaire, contradicteur.
24 Alors Jésus dit à ses disciples : Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il porte sa croix et me suive.
Note : Matth. 16, 24 : Voir Matthieu, 10, 38 ; Luc, 9, 23 ; 14, 27.
25 Car qui voudra sauver son âme, la perdra; mais qui perdra son âme à cause de moi, la trouvera.
Note : Matth. 16, 25 : Voir Luc, 17, 33 ; Jean, 12, 25. ― Car celui qui voudra sauver, etc. Comparer à Matthieu, 10, 39 (voir la note).
26 Et que sert à l’homme de gagner le monde entier, s’il perd son âme? Ou que donnera l’homme en échange de son âme? 27 Car le Fils de l’homme viendra dans la gloire de son Père avec ses anges ; et alors il rendra à chacun selon ses oeuvres.
Note : Matth. 16, 27 : Voir Actes des Apôtres, 17, 31 ; Romains, 2, 6.
28 En vérité, je vous dis : Il y en a quelques-uns ici présents, qui ne goûteront pas de la mort jusqu’à ce qu’ils voient le Fils de l’homme venant dans son royaume.
Note : Matth. 16, 28 : Voir Matthieu, 16, 27-28 (inutile). ― Plusieurs Pères de l’Eglise croient que le Sauveur veut parler de sa transfiguration, rapportée dans le chapitre suivant ; l’expression quelques-uns de ceux qui sont ici donne à ce sentiment une probabilité. ― Néanmoins, à cause des nombreux passages parallèles, dans lesquels le texte ne peut s’entendre de la Transfiguration, comme le verset précédent (27) ou en Matthieu, 24, 30 et Luc, 21, 27, on peut donner avec d’autres interprètes l’explication suivante. Il faut d’abord faire remarquer que cette annonce est confirmée par les quatre évangélistes et la comparaison des textes permet d’éclaircir le sens. Au lieu de : Venant dans son royaume, saint Marc, 8, 39, dit : « Le Royaume de Dieu venant dans sa puissance ». Dans saint Matthieu, 10, 23, le Christ leur dit : « Vous n’aurez pas fini d’évangéliser toutes les villes d’Israël jusqu’à ce que vienne le Fils de l’homme. » Dans saint Jean, 21, 22, le Christ dit : « Je veux qu’il [saint Jean] demeure [vivant] jusqu’à ce que je vienne. » Saint Luc écrit pareillement : « Quelques-uns sont ici qui ne goûteront point la mort qu’ils n’aient vu le royaume de Dieu » (voir Luc, 9, 27). Si Jésus annonce que l’évangélisation de toutes les villes d’Israël ne sera pas achevée (voir Matthieu, 10, 23), alors que pourtant viendra le Fils de l’homme « dans sa Puissance », ce royaume annoncé ne pouvait être le règne de Dieu dans les âmes (à peine commencé), comme le pense J. -H. MICHON. Qu’est-ce alors ? CRAMPON pense à la ruine de Jérusalem en l’an 70 et à l’établissement du christianisme tout en indiquant qu’il ne s’agit là que du premier acte, de la figure, de ce qui doit s’accomplir complètement à la fin des temps. « Pendant tout le premier siècle, il y eut au sein de l’Eglise cette croyance que Jésus allait paraître dans le monde, pour y établir son règne dorénavant triomphant et glorieux. » (MICHON) Mais pourquoi n’est-il pas arrivé au temps annoncé ? Nous en donnons une explication en Jean, note 21. 22.