Chapitre 14
1 En ce temps-là Hérode, le tétrarque, apprit la renommée de Jésus;
Note : Matth. 14, 1 : Voir Marc, 6, 14 ; Luc, 9, 7. ― On donnait le titre de tétrarques à des princes qui gouvernaient la quatrième partie d’un royaume démembré. ― Hérode le tétrarque s’appelait aussi Antipas et il était fils, comme Archélaüs (voir Matthieu, 2, 22), d’Hérode le Grand et de Malthace la Samaritaine. Après la mort de son père, il devint tétrarque de la Galilée et de la Pérée. Il épousa d’abord une fille du roi arabe Arétas mais se lia ensuite avec Hérodiade, sa nièce, femme de son demi-frère, Hérode Philippe (voir Matthieu, 14, 3). Cette liaison coupable fit de lui le meurtrier de saint Jean-Baptiste et amena plus tard sa ruine, comme il est dit à la Matthieu, note 14. 3. C’est à cet Hérode que Pilate envoya Notre-Seigneur, (voir Luc, 23, 7-12). C’était un esprit faible, superstitieux, rusé et sans principes (voir Luc, 13, 31-32). Exilé à Lyon, en l’an 39, il fut transféré ensuite en Espagne, où il mourut.
2 Et il dit à ses serviteurs : C’est Jean-Baptiste, c’est lui-même qui est ressuscité des morts, et voilà pourquoi des miracles s’opèrent par lui :
3 Car Hérode s’était saisi de Jean, l’avait chargé de fers et jeté en prison, à cause d’Hérodiade, femme de Philippe son frère.
Note : Matth. 14, 3 : Voir Marc, 6, 17 ; Luc, 3, 19. ― Hérodiade était fille d’Aristobule, un des fils d’Hérode le Grand et de Marianne ; elle était soeur d’Hérode Agrippa Ier. Elle épousa d’abord Hérode Philippe Ier, mais elle le quitta pour Hérode Antipas, fils d’Hérode le Grand, comme Philippe Ier, mais par une autre femme. Hérode Antipas était déjà marié depuis longtemps avec une fille d’Arétas, roi d’Arabie. Ce dernier, pour venger l’affront fait à sa fille, attaqua l’armée d’Hérode et la tailla en pièces. Le peuple, raconte Josèphe, considéra cette défaite comme une juste punition du meurtre de Jean-Baptiste, commis peu auparavant pour plaire à Hérodiade et à sa fille Salomé. Ce ne fut pas du reste le seul châtiment que Hérodiade attira sur Antipas. Cette femme ambitieuse le pressa d’aller à Rome pour y obtenir le titre de roi. Les émissaires d’Agrippa combattirent ses prétentions à la cour de Caligula et il fut exilé à Lyon, l’an 39 de notre ère. Sa coupable épouse l’y accompagna et c’est là qu’elle mourut. ― Philippe, le mari légitime d’Hérodiade, fils d’Hérode le Grand et de Marianne, avait été déshérité par son père et vécut comme simple particulier. C’est sans doute ce qui porta l’ambitieuse Hérodiade à l’abandonner pour Hérode Antipas. Il ne faut pas confondre ce Philippe avec son demi-frère Philippe le tétrarque d’Iturée et de Trachonitide dont parle saint Luc, 3, 1.
4 Car Jean lui disait : Il ne t’est pas permis de l’avoir.
Note : Matth. 14, 4 : La loi de Moïse prohibait le mariage entre beau-frère et belle-soeur, même divorcés (voir Lévitique, 18, 16).
5 Et voulant le faire mourir, il craignit le peuple qui le tenait pour prophète.
Note : Matth. 14, 5 : Voir Matthieu, 21, 26.
6 Or, au jour de la naissance d’Hérode, la fille d’Hérodiade dansa au milieu de sa cour, et plut à Hérode.
Note : Matth. 14, 6 : La fille d’Hérodiade qui se fit donner par Hérode Antipas la tête de saint Jean-Baptiste, en récompense de ses danses, s’appelait Salomé. Elle était fille d’Hérode Philippe Ier , l’époux légitime d’Hérodiade. Elle épousa en première noces Philippe, tétrarque de Trachonitide, et plus tard Aristobule, roi de Chalcis.
7 D’où il lui promit, avec serment, de lui donner tout ce qu’elle lui demanderait.
8 Mais elle, instruite à l’avance par sa mère : Donnez-moi, dit-elle, ici dans un bassin, la tête de Jean-Baptiste. 9 Et le roi fut contristé ; cependant à cause du serment et de ceux qui étaient à table avec lui, il commanda qu’on la lui donnât. 10 Et il envoya décapiter Jean dans la prison.
Note : Matth. 14, 10 : Dans la prison. Josèphe nous apprend que saint Jean-Baptiste était emprisonné à Machéronte (Machaerus, aujourd’hui M’Kaur), à l’est de la mer Morte. C’était une forteresse construite par Alexandre fils d’Hyrcan Ier . Hérode le Grand en avait fait la place la plus forte de la Pérée. La citadelle, située sur une colline de rochers très élevés, au milieu de vallées profondes, était entourée d’une enceinte haute de 160 coudées, qui enfermaient le palais royal. Elle est à 1158 mètres au-dessus de la mer Morte, à 764 mètres au-dessus de la Méditerranée.
11 Et sa tête fut apportée dans un bassin, et donnée à la jeune fille, qui la porta à sa mère. 12 Or ses disciples étant venus prirent son corps et l’ensevelirent; puis ils vinrent l’annoncer à Jésus.
13 Ce que Jésus ayant entendu, il partit de là dans une barque, pour se retirer à l’écart en un lieu désert ; mais le peuple l’ayant su, le suivit à pied, des villes.
Note : Matth. 14, 13 : Voir Marc, 6, 31 ; Luc, 9, 10 ; Jean, 6, 1. ― Des villes ; c’est-à-dire des villes voisines. ― Le lieu désert où Jésus se retira se trouvait dans les environs de Bethsaïde-Julias, au nord-est du lac de Tibériade (voir Matthieu, 11, 21), dans la tétrarchie de Philippe, prince d’un caractère doux, pacifique. Voir Luc, note 3. 1. La région qui s’étend au nord-est du lac est peu peuplée, parce qu’elle est moins arrosée et par suite moins fertile.
14 Et, comme il sortait de la barque, il vit une grande foule ; il eut pitié d’eux, et il guérit leurs malades. 15 Or le soir étant venu, ses disciples s’approchèrent de lui, disant : Ce lieu est désert, et déjà l’heure est avancée ; renvoyez le peuple, pour qu’ils aillent dans les villages acheter de quoi manger. 16 Mais Jésus leur dit : Il n’est pas nécessaire qu’ils y aillent; donnez-leur vous-mêmes à manger. 17 Ils lui répondirent : Nous n’avons ici que cinq pains et deux poissons.
Note : Matth. 14, 17 : Voir Jean, 6, 9.
18 Jésus leur dit : Apportez-les moi ici. 19 Et après avoir ordonné à la multitude de s’asseoir sur l’herbe, il prit les cinq pains et les deux poissons, et levant les yeux au ciel, il les bénit ; puis rompant les pains, il les donna à ses disciples, et ses disciples au peuple.
Note : Matth. 14, 19 : Il les bénit. Comparer à Luc, 9, 6.
20 Ils en mangèrent tous et furent rassasiés; et les disciples emportèrent les restes, douze paniers pleins de morceaux. 21 Or, le nombre de ceux qui mangèrent fut de cinq mille hommes, outre les femmes et les petits enfants.
22 Aussitôt Jésus ordonna à ses disciples de monter dans la barque et de le précéder de l’autre côté de la mer, tandis qu’il renverrait le peuple.
Note : Matth. 14, 22 : Voir Marc, 6, 45.
23 Et, le peuple renvoyé, il monta seul sur la montagne pour prier. Or, le soir étant venu, il se trouvait là seul.
Note : Matth. 14, 23 : Voir Jean, 6, 15. ― Sur la montagne ; c’est-à-dire la montagne voisine. Comparer à Matthieu, 5, 1.
24 Cependant, la barque était agitée par les flots au milieu de la mer ; carie vent était contraire. 25 Mais à la quatrième veille de la nuit, il vint à eux marchant sur la mer.
Note : Matth. 14, 25 : Du temps de Jésus-Christ, les Juifs partageaient la nuit en quatre veilles égales entre elles, à la manière des Grecs et des Romains. ― La première veille commençait au coucher du soleil ; la seconde, appelée minuit, commençait vers neuf heures et se prolongeait jusqu’au milieu de la nuit ; la troisième, appelée le chant du coq ; se terminait vers trois heures du matin ; la quatrième finissait à la pointe du jour.
26 Or, le voyant marcher sur la mer, ils se troublèrent et dirent; C’est un fantôme ; et ils poussèrent des cris de frayeur. 27 Mais Jésus aussitôt leur parla, disant : Ayez confiance, c’est moi, ne craignez point. 28 Pierre, répondant, dit : Seigneur, si c’est vous, ordonnez-moi de venir à vous sur les eaux. 29 Et Jésus dit : Viens. Et Pierre descendant de la barque, marchait sur les eaux pour venir à Jésus. 30 Mais, voyant la violence du vent, il eut peur ; et comme il commençait à enfoncer, il cria, disant : Seigneur, sauvez-moi !31 Et à l’instant même Jésus étendant la main, le saisit, et lui dit : Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté? 32 Or, lorsqu’ils furent montés dans la barque, le vent cessa. 33 Alors ceux qui étaient dans la barque, vinrent et l’adorèrent, disant : Vraiment, vous êtes le fils de Dieu.
34 Lorsqu’ils eurent traversé la mer, ils vinrent dans la terre de Génésar.
Note : Matth. 14, 34 : Voir Marc, 6, 53. ― Génésar ou Génésareth. La terre de Génésar était sur le bord du lac de Génésareth ou de Tibériade, à l’ouest, probablement à l’endroit appelé aujourd’hui el-Ghoueir, entre Khan Minyèh et Medjdel. Josèphe dit que cette terre était très fertile et d’une grande beauté.
35 Et quand les hommes de ce lieu l’eurent reconnu, ils envoyèrent dans toute cette contrée, et lui présentèrent tous les malades ; 36 Et ils lui demandaient de toucher seulement la frange de ses vêtements ; et tous ceux qui la touchèrent furent guéris.
Note : Matth. 14, 36 : La frange de ses vêtements. Comparer à Matthieu, 9, 20.