Chapitre 5
1 Le roi Baltassar fit un grand destin à mille de ses grands, et chacun buvait selon son âge.
Note : Dn. 5, 1 : Baltassar, selon l’opinion la plus probable, est le fils du dernier roi de Babylone, Nabonide ; du moins Nabonide, dans ses inscriptions, nous apprend qu’il avait un fils appelé Baltassar. Ce dernier n’était pas roi, mais il en exerçait le pouvoir, parce que son père paraît l’avoir associé au gouvernement et l’avoir chargé de la défense de Babylone, d’où il était absent, quand Cyrus s’en empara.
2 Il ordonna donc, étant déjà ivre, qu’on apportât les vases d’or et d’argent que Nabuchodonosor son père avait emportés du temple qui fut à Jérusalem, afin que le roi, et ses grands, et ses épouses, et ses concubines y bussent.
Note : Dn. 5, 2 : Nabuchodonosor son père. Baltassar est regardé comme le fils de Nabuchodonosor, soit qu’il descendit de lui par les femmes, soit qu’il fut simplement considéré comme son successeur dans le gouvernement.
3 Alors furent apportés les vases d’or et d’argent, qu’il avait transportés du temple qui avait été à Jérusalem; et le roi, et ses grands, et ses épouses et ses concubines y burent. 4 Ils buvaient du vin, et louaient leurs dieux d’or, et d’argent, et d’airain, et de fer, et de bois, et de pierre.
5 A la même heure apparurent des doigts, comme d’une main d’homme écrivant vis-à-vis du candélabre, sur la surface de la muraille du palais du roi, et le roi regardait les doigts de la main qui écrivait. 6 Alors le visage du roi changea, et ses pensées le troublaient ; et les jointures de ses reins se brisaient, et ses genoux se heurtaient l’un contre l’autre.
Note : Dn. 5, 6 : Les jointures de ses reins ; c’est-à-dire de ses lombes ; car les reins proprement dits n’ont ni jointures ni articulations.
7 C’est pourquoi le roi s’écria d’une voix forte qu’on introduisît les mages, les Chaldéens et les augures. Et élevant la voix, le roi dit aux sages de Babylone : Quiconque lira cette écriture et m’en donnera une interprétation manifeste sera revêtu de pourpre, et aura un collier d’or au cou, et sera le troisième dans mon royaume.
Note : Dn. 5, 7 ; 5. 11 : Chaldéens. Voir Daniel, 2, 2.
Note : Dn. 5, 7 : Sera le troisième dans mon royaume. Baltassar ne peut donner à l’interprète de l’écriture mystérieuse que le troisième rang dans le royaume, parce qu’il n’occupe lui-même que le second, étant simplement associé au trône. ― Le texte original porte dans le royaume, et non dans mon royaume, parce que ce n’était pas le royaume de Baltassar, mais celui de son père.
8 Alors tous les sages du roi entrèrent, et ils ne purent lire l’écriture, ni en donner l’interprétation au roi.
Note : Dn. 5, 8 : Ils ne purent lire, etc. Voir le verset 25.
9 D’où le roi Baltassar fut extrêmement troublé, et son visage changea, mais ses grands aussi étaient troublés.
Note : Dn. 5, 9 : Extrêmement ; c’est le vrai sens du latin satis expliqué par le chaldéen.
10 Or la reine, à cause de ce qui était arrivé au roi et à ses grands, entra dans la maison du festin, et, élevant la voix, elle dit : Roi, vivez à jamais, que vos pensées ne vous troublent pas, et que votre visage ne change point. 11 Il est un homme dans votre royaume qui a en lui-même l’esprit des dieux saints; et durant les jours de votre père, la science et la sagesse furent trouvées en lui; car même Nabuchodonosor votre père l’établit prince des mages, des enchanteurs, des Chaldéens et des augures; votre père, dis-je, ô roi;
Note : Dn. 5, 11 : De votre père ; c’est-à-dire de votre grand-père (voir verset 1).
12 Parce qu’un esprit plus étendu, et la prudence, et l’intelligence, et l’interprétation des songes, et la manifestation des secrets, et le dénoûment des choses liées furent trouvés en lui, c’est-à-dire en Daniel, à qui le roi donna le nom de Baltassar. Maintenant donc que Daniel soit appelé, et il donnera l’interprétation.
13 Ainsi Daniel fut introduit devant le roi. Le roi, s’étant adressé d’abord à lui, dit : Es-tu Daniel, un des fils de la captivité de Juda, que le roi mon père a amenés de Judée? 14 J’ai ouï dire de toi que tu as l’esprit des dieux, et qu’une science, et une intelligence, et une sagesse plus étendues ont été trouvées en toi. 15 Et maintenant ont été introduits en ma présence les mages remplis de sagesse, afin de lire cette écriture, et de m’en donner l’interprétation; et ils n’ont pu dire le sens de ces paroles. 16 Mais moi j’ai ouï dire de toi que tu peux interpréter les choses obscures, et délier les choses liées; si donc tu peux lire cette écriture et m’en donner l’interprétation, tu seras vêtu de pourpre, tu auras un collier d’or autour de ton cou, et tu seras le troisième prince dans royaume.
17 A quoi répondant Daniel, il dit devant le roi : Que vos présents soient pour vous, et donnez les dons de votre maison à un autre ; mais je vous lirai l’écriture, ô roi, et je vous montrerai son interprétation. 18 Ô roi, le Dieu Très-Haut donna le royaume et la magnificence, la gloire et l’honneur, à Nabuchodonosor votre père. 19 Et à cause de la magnificence qu’il lui avait donnée, tous les peuples, les tribus, les langues tremblaient et le craignaient; et il tuait ceux qu’il voulait, et il frappait ceux qu’il voulait, et il exaltait ceux qu’il voulait, et il humiliait ceux qu’il voulait. 20 Mais, quand son coeur se fut élevé, et que son esprit se fut affermi dans l’orgueil, il fut dépose du trône, et sa gloire lui fut ôtée. 21 Et il fut chassé loin des fils des hommes; mais même son coeur fut mis avec les bêtes, et avec les onagres était sa demeure; il mangeait aussi du foin comme le boeuf, et de la rosée du ciel son corps fut couvert, jusqu’à ce qu’il reconnût que le Très-Haut a pouvoir sur le royaume des hommes, et qu’il y élève celui qu’il veut.
Note : Dn. 5, 21 : Voir Daniel, 4, 22. ― Fils des hommes ; expression poétique, pour hommes. ― Avec les onagres dans les lieux sauvages. Sur les onagres, voir Job, 39, 5.
22 Vous aussi, son fils Baltassar, vous n’avez pas humilié votre coeur, lorsque vous saviez toutes ces choses; 23 Mais contre le dominateur du ciel vous vous êtes élevé; et les vases de sa maison ont été apportés devant vous; et vous, et vos grands, et vos épouses, et vos concubines, y avez bu du vin ; et vous avez loué les dieux d’argent, et d’or, et d’airain, et de fer, et de bois, et de pierre, qui ne voient point, qui n’entendent point, qui ne sentent point; mais le Dieu qui a en sa main votre souffle et toutes vos voies, vous ne l’avez pas glorifié.
Note : Dn. 5, 23 : Votre souffle vital, votre vie, votre âme.
24 C’est pour cela qu’a été envoyé par lui le doigt de la main qui a écrit ce qui est tracé. 25 Or voici l’écriture qui a été tracée : MANÉ, THÉCEL, PHARÈS.
Note : Dn. 5, 25 : Mané, etc. Les sages du roi n’ont pu lire ces mots (voir verset 8), soit parce qu’ils pouvaient être en un caractère inconnu dans le pays, tel que l’hébreu ancien, le phénicien, le samaritain, soit parce qu’étant dépourvus de voyelles, isolés et sans suite, la lecture et par là même l’interprétation en devenaient tout naturellement impossibles ; soit enfin parce qu’ils étaient simplement exprimés par leurs lettres initiales ; hypothèse qui n’a rien d’invraisemblable, et qui exprimerait parfaitement l’embarras des sages du roi.
26 Et voici l’interprétation de ces paroles : MANÉ : Dieu a compté les jours de votre règne, et il y a mis fin. 27 THÉCEL : Vous avez été pesé dans la balance, et vous avez été trouvé ayant trop peu de poids. 28 PHARÈS : Votre royaume a été divisé, et il a été donné aux Mèdes et aux Perses.
29 Alors, le roi ordonnant, Daniel fut vêtu de pourpre, et un collier d’or fut mis autour de son cou, et on publia à son sujet qu’il serait le troisième ayant la puissance dans son royaume. 30 Dans la même nuit, fut tué Baltassar, roi de Chaldée. 31 Et Darius le Mède lui succéda au royaume, étant âgé de soixante-deux ans.
Note : Dn. 5, 31 : Darius le Mède ; selon bien des savants, le même que les historiens grecs appellent Cyaxare II, fils d’Astyage ; mais ni l’histoire ni la critique ne fournissent des preuves suffisantes de cette identité.