Chapitre 30
1 Malheur à vous, fils déserteurs, dit le Seigneur, de ce que vous formez des desseins, et non par moi, et que vous ourdissez une trame, et non par mon esprit, afin d’ajouter péché à péché; 2 Vous qui marchez pour descendre en Egypte, et n’avez pas interrogé ma bouche, espérant du secours de la force de Pharaon, et ayant confiance dans l’ombre de l’Egypte.
Note : Is. 30, 2 : Ma bouche ; les ordres, les oracles sortis de ma bouche.
3 Et la force de Pharaon vous sera à confusion, et la confiance dans l’ombre de l’Egypte, à ignominie.
Note : Is. 30, 3 : L’ombre ; c’est-à-dire la protection.
4 Car tes princes étaient à Tanis, et tes messagers sont parvenus jusqu’à Hanès.
Note : Is. 30, 4 : Tanis ; ville d’Egypte, c’est la Mansoura d’aujourd’hui. Comparer à Nombres, 13, 23 ; Psaumes, 77, 43. ― Hanès ; ville d’Egypte. Saint Jérôme croit qu’elle était l’extrémité méridionale de l’Egypte, vers les frontières de l’Ethiopie. ― Sur Tanis, voir plus haut, Isaïe, 19, 11. ― Hanès, en égyptien Chenensu, Heracleopolis magna, dans l’Egypte moyenne, était alors, comme Tanis et plusieurs autres villes de la vallée du Nil, la capitale d’un petit royaume.
5 Tous ont été confondus à la vue d’un peuple qui ne pouvait leur être utile ; ils ne leur ont pas été à secours et à quelque utilité, mais à confusion et à opprobre.
Note : Is. 30, 5 : Ils ; c’est-à-dire le peuple, qui, étant un collectif, représente le nombre pluriel.
6 Malheur accablant des bêtes du Midi. Elles vont dans une terre de tribulation et d’angoisse, d’où sortent la lionne et le lion, la vipère et le basilic volant; ils portent sur les épaules des ânes leurs richesses, et sur la bosse des chameaux leurs trésors, à un peuple qui ne pourra pas leur être utile.
Note : Is. 30, 6 : Malheur accablant. Voir Isaïe, 13, 1. ― D’où ; littéralement, selon l’hébreu et la Vulgate, d’eux (ex eis) ; le pronom se rapporter à terrae, qui s’entend quelquefois dans l’Ecriture, non du sol, mais des habitants. ― Des bêtes du Midi, en hébreu, bahamoth, peut-être le béhémoth ou hippopotame de Job, 40, 10, qui peut être très exactement considéré comme le symbole de l’Egypte, laquelle avait grande confiance en sa puissance, mais était lente à se mettre en mouvement et était arrivée trop tard pour secourir Samarie assiégée par les Assyriens. ― La vipère. Assaraddon, dans le récit de sa campagne contre l’Arabie, dit que ce pays était plein de vipères et de scorpions. ― Le basilic volant. Cette qualification de volant provient sans doute de ce que les serpents peuvent monter sur les arbres comme les oiseaux qui volent.
7 Car inutilement et vainement l’Egypte les secourra; voilà pourquoi j’ai crié à ce sujet : C’est de l’orgueil seulement, reste en repos.
8 Maintenant donc entre, écris cela pour lui sur le buis, et dans un livre grave-le soigneusement, et il sera au dernier jour un témoignage à jamais;
Note : Is. 30, 8 : Entre, etc. C’est le Seigneur qui parle au prophète.
9 Car c’est un peuple provoquant au courroux, et ce sont des fils menteurs, des fils qui ne veulent pas entendre la loi de Dieu ; 10 Qui disent à ceux qui voient: Ne voyez pas; et à ceux qui regardent : Ne regardez pas pour nous des choses qui sont justes; dites-nous des choses qui nous plaisent, voyez pour nous des erreurs.
Note : Is. 30, 10 : Ceux qui voient, ceux qui regardent ; c’est-à-dire les voyants, ceux qui ont des visions prophétiques, les prophètes.
11 Eloignez de moi cette voie, détournez de moi ce sentier; qu’il disparaisse de notre face, le saint d’Israël.
12 A cause de cela, voici ce que dit le saint d’Israël : Parce que vous avez rejeté cette parole, et que vous avez espéré dans la calomnie et dans le tumulte, et que vous y avez mis votre appui, 13 A cause de cela, cette iniquité sera pour vous comme une brèche qui menace ruine, et qui est recherchée dans un mur élevé, parce que tout à coup, tandis qu’on ne s’y attend pas, vient son écroulement.
Note : Is. 30, 13 : Qui est recherchée (requisita) ; par l’ennemi, à qui, en effet, elle offre un moyen d’entrer dans la ville (voir Job, 30, 14).
14 Et elle sera mise en pièces, comme on brise d’un brisement très fort un vase de potier; et on ne trouvera pas parmi ses fragments un têt dans lequel on puisse porter un peu de feu pris d’une incendie, ou puiser un peu d’eau à une fosse,
Note : Is. 30, 14 : Comme on brise d’un brisement ; genre de répétition qu’on a déjà vu souvent, et qui a pour but de donner de l’énergie à l’idée exprimée par le verbe.
15 Parce que voici ce que dit le Seigneur Dieu, le saint d’Israël: Si vous revenez, et vous vous tenez en repos, vous serez sauvés ; dans le silence et dans l’espérance sera votre force. Et vous n’avez pas voulu; 16 Et vous avez dit : Pas du tout; mais nous fuirons vers des chevaux; c’est pour cela que vous fuirez. Et nous monterons sur de rapides coursiers; c’est pour cela que plus rapides seront ceux qui vous poursuivront.
Note : Is. 30, 16 : Vers des chevaux ; la cavalerie des Egyptiens. Comparer à Isaïe, 31, 1.
17 Vous fuirez an nombre de mille hommes par la terreur d’un seul, et tous par la terreur de cinq, jusqu’à ce que vous soyez laissés comme un mât de vaisseau sur une cime de montagne, et comme un étendard sur une colline.
Note : Is. 30, 17 : Par la terreur d’un seul ; littéralement à la face d’un seul ; c’est-à-dire un seul homme de l’ennemi en épouvantera mille d’entre vous.
18 A cause de cela, le Seigneur attend, afin d’avoir pitié de vous ; et pour cela il sera exalté en vous épargnant; car c’est un Dieu de justice que le Seigneur; bienheureux tous ceux qui l’attendent. 19 Car le peuple de Sion habitera dans Jérusalem ; pleurant tu ne pleureras pas du tout; ayant pitié il aura pitié de toi ; à la voix de ton cri, dès qu’il entendra, il te répondra. 20 Et le Seigneur vous donnera un pain restreint et une eau peu abondante ; et il ne fera pas que celui qui t’instruit s’en aille loin de toi; et tes yeux verront ton maître.
Note : Is. 30, 20 : Celui qui t’instruit (doctorem tuum), ton maître (praeceptorem tuum). L’Eglise, dans l’office de l’Avent, fait l’application de ces paroles à Jésus-Christ, qui est, en effet, notre docteur et notre maître par excellence.
21 Et tes oreilles entendront la voix de celui qui, derrière toi, t’avertira : Voici la voie, marchez-y; et ne vous détournez ni à droite ni à gauche, 22 Et tu regarderas comme choses souillées les lames d’argent de tes images taillées au ciseau, et le vêtement de ta statue d’or jetée en fonte, et tu les rejetteras comme un linge souillé. Sors, lui diras-tu;
Note : Is. 30, 22 : Les lames, etc. ; c’est-à-dire les lames d’argent dont sont couvertes, etc. ― Images taillées au ciseau. L’Ecriture emploie ordinairement cette expression pour désigner les idoles. ― De tes images d’argent, de ta statue d’or ; littéralement de ton argent, de ton or. En vertu d’un hébraïsme très commun, le pronom possessif ne se joint pas immédiatement au nom qu’il représente, mais au complément de ce nom.
23 Et la pluie sera accordée à ta semence, partout où tu auras semé sur la terre, et le pain produit des grains de la terre sera très abondant et gras; dans ta possession, en ce jour-là, l’agneau paîtra spacieusement. 24 Et les taureaux et les petits des ânes qui labourent la terre, mangeront les grains mêlés ensemble, comme dans l’aire ils auront été vannés. 25 Et il y aura sur toute haute montagne et sur toute colline élevée, des ruisseaux d’eaux courantes, au jour où beaucoup auront été tués, et lorsque seront tombées les tours. 26 Et sera la lumière de la lune comme la lumière du soleil, et la lumière du soleil sera septuplée, égale à la lumière de sept jours, au jour où le Seigneur aura lié la blessure de son peuple et guéri le coup de sa plaie.
Note : Is. 30, 26 : La lumière, etc. Saint Jérôme voit ici la gloire du monde futur, c’est-à-dire de ces nouveaux cieux dont parlent saint Pierre (voir 2 Pierre, 3, 13) et saint Jean (voir Apocalypse, 21, 1-5). Voir Isaïe, 66, 22. Comparer à Isaïe, 65, 17-25 ; 11, 6-9.
27 Voici que le nom du Seigneur vient de loin ; ardente est sa fureur, et lourde à porter; ses lèvres sont pleines d’indignation, sa langue est comme un feu dévorant.
Note : Is. 30, 27 : Le nom du Seigneur ; sa majesté, le Seigneur lui-même. Comparer à Isaïe, 5, 11 ; 7, 17 ; 8, vv. 1, 8, etc. ― De loin ; après un long intervalle de temps.
28 Son souffle est un torrent débordé, qui atteint jusqu’au milieu du cou, pour réduire des nations au néant, et briser le frein d’erreur qui était aux mâchoires des peuples. 29 Vous chanterez comme dans la nuit d’une sainte solennité, et la joie de votre coeur sera comme la joie de celui qui va avec la flûte, afin de se présenter sur la montagne du Seigneur, au fort d’Israël.
Note : Is. 30, 29 : Comme dans la nuit ; littéralement comme la nuit ; genre de figure qui n’est pas étrangère au style biblique. Les fêtes des Hébreux commençaient la veille au soir. Aux trois plus solennelles, qui étaient celles de la Pâque, de la Pentecôte et des Tabernacles, on se rendait à Jérusalem de toute la Judée, et même des provinces étrangères (voir Deutéronome, 16, 16 ; Psaumes, 121, 4). Il est très probable qu’on chantait des cantiques de joie pendant toute la solennité.
30 Et le Seigneur fera entendre la majesté de sa voix, et il montrera la terreur de son bras dans une menace de fureur, et dans la flamme d’un feu dévorant; il brisera par un tourbillon et par des pierres de grêle.
Note : Is. 30, 30 : Sa voix ; c’est-à-dire le tonnerre. Au verset suivant, comme dans une infinité d’autres passages de l’Ecriture, la voix du Seigneur a ce sens. Comparer à Psaumes, 28, verset 3 et suivants.
31 Car à la voix du Seigneur Assur tremblera d’effroi, frappé de sa verge. 32 Et le passage de la verge sera affermi ; le Seigneur la fera reposer sur lui au milieu des tambours et des harpes, et dans des guerres considérables il les vaincra.
Note : Is. 30, 32 : Sur lui ; sur Assur. ― Au milieu des tambours, etc. des Israélites, qui loueront le Seigneur. ― Il les vaincra ; les Assyriens.
33 Car Topheth est préparée depuis hier, par le roi préparée, profonde et étendue. Ses aliments sont du feu et beaucoup de bois; le souffle du Seigneur comme un torrent de soufre l’embrase.
Note : Is. 30, 33 : Topheth ; lieu situé dans une vallée voisine de Jérusalem, où les Israélites brûlaient leurs enfants en l’honneur de Moloch, idole des Ammonites. Comparer à Josué, 15, 8 ; 3 Rois, 11, 7 ; 2 Paralipomènes, 28, 3 ; Jérémie, 7, 31, etc. ― Dans l’hébreu ; Topheth, c’est-à-dire le bûcher est préparé pour le roi d’Assyrie, Sennachérib. C’est la prédiction de l’extermination de l’armée assyrienne racontée plus loin, voir Isaïe, 37, 36.