Chapitre 6
1 En l’année où est mort le roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône haut et élevé; et ce qui était sous lui remplissait le temple,
Note : Is. 6, 1-13 : ― 4° Vocation d’Isaïe au ministère prophétique, chapitre 6. ― Le chapitre 6 nous raconte les détails de la vocation du prophète à sa mission prophétique. « La tradition place cette prophétie après la mort d’Ozias et à la première année de Joathan… Les modernes se sont écartés de cet arrangement : 1° parce que le sujet de ce chapitre doit le faire considérer comme le premier dans l’ordre des temps ; 2° parce que le titre : En l’année où est mort le roi Ozias (vérifier si Glaire est gardé ici) (758), se rapporte non au temps qui a suivi, mais à celui qui a précédé la mort de ce roi de Juda… Ces raisons, quoique plausibles, ne vont pas au-delà de simples vraisemblances… Les interprètes ont examiné : 1° quel a été l’objet de cette vision prophétique ; 2° quelle en est la scène ; 3° quelle en est la nature. ― 1° Selon quelques-uns, l’objet de la vision a été le Père, selon d’autres Dieu le Fils, et selon d’autres la Sainte Trinité. Ce dernier sentiment est plus probable, attendu que l’Eglise, dès les premiers siècles, a reconnu une allusion aux trois personne divines dans les mots : Saint, saint, saint, et dans cette interrogation : Qui enverrai-je (unité de substance), et qui ira pour nous (pluralité de personnes) ? ― 2° La scène s’est passée, selon les uns, dans le temple de Salomon ; selon d’autres, dans le ciel montré à l’imagination du prophète sous des formes semblables à celles du temple… ― 3° On peut admettre une apparition réelle, comme celles dont furent honorés tant d’autres avant Isaïe. Cependant Cornelius a Lapide, après saint Augustin, soutient que tout s’est passé dans l’imaginaire du prophète, et ce sentiment paraît bien plus probable. » (LE HIR. )
Note : Is. 6, 1 : Le Seigneur ; c’est-à-dire selon Jean (voir Jean, 12, 40-41), le Fils de Dieu. ― Et ce qui était au-dessous de lui ; les tapis sur lesquels le trône était placé ; ou plutôt, selon le texte original, le bas, le bord, l’extrémité de sa robe ; car c’est le sens qu’a le terme hébreu dans Exode, 28, 33-34. ― Le temple ; en hébreu hékal, mot qui signifie palais des rois et temple de Dieu. C’est la demeure extra-terrestre, le ciel où Dieu réside.
2 Des séraphins étaient au-dessus du trône : l’un avait six ailes, et l’autre six ailes; avec deux, ils voilaient leur face, et avec deux ils voilaient leurs pieds, et avec deux ils volaient.
Note : Is. 6, 2 : Leur face ; littéralement et par hébraïsme, sa face ; parce que le pluriel ils voilaient (velabant) est pour chacun d’eux voilait. ― Des séraphins, mot qui signifie brûlants, enflammés, et qui désigne un choeur des anges. Ce passage est le seul endroit, soit de l’Ancien, soit du Nouveau Testament où nous lisions leur nom.
3 Et ils se criaient l’un à l’autre, et ils disaient : Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu des armées, toute la terre est pleine de sa gloire.
Note : Is. 6, 3 : Voir Apocalypse, 4, 8. ― Saint, saint, saint. Cette triple glorification d’un seul Dieu désigne, d’après les Pères, le mystère de la trinité des personnes divines dans l’unité de la divine essence.
4 Et les linteaux des gonds furent ébranlés par la voix des anges qui criaient, et la maison fut remplie de fumée. 5 Et je dis : Malheur à moi, parce que je me suis tu, parce que moi je suis un homme souillé par mes lèvres, et que j’habite au milieu d’un peuple qui a les lèvres souillées, et que j’ai vu le roi Seigneur des armées de mes yeux!
Note : Is. 6, 5 : Malheur, etc. Saint Jérôme, saint Cyrille, Théodoret, et plusieurs interprètes après eux, pensent qu’Isaïe se reproche ici d’avoir offensé Dieu par le silence qu’il garda envers Ozias lorsqu’il s’empara du sacerdoce (voir 2 Paralipomènes, 26, 17-18). D’autres veulent que le prophète se reproche de n’avoir pas mêlé ses louanges à celles des séraphins. D. Calmet croit qu’Isaïe fait ici la même confession ou la même excuse au Seigneur que Moïse après l’apparition de Dieu dans le buisson ardent. Comparer à Exode, 4, 10 ; 6, vv. 12, 30. ― Et que j’ai vu, etc. Les hébreux croyaient qu’on ne pouvait voir Dieu ou un ange sans mourir (voir Genèse, 16, 13 ; Exode, 33, 20).
6 Et vers moi voilà un des séraphins, et dans sa main était un caillou qu’avec des pincettes il avait enlevé de l’autel.
Note : Is. 6, 6 : Caillou (calculus) ; dans l’hébreu, pierre rougie au feu ; dans le grec, charbon. ― De l’autel. Isaïe voit dans le ciel un autel analogue à celui du temple de Jérusalem, sur lequel brûle le feu. Le feu est l’emblème de la purification.
7 Et il en toucha ma bouche et dit : Cela a touché tes lèvres, et ton iniquité sera effacée, et ton péché sera purifié.
8 Et j’entendis la voix du Seigneur disant : Qui enverrai-je et qui ira pour nous? Et je dis : Me voici ; envoyez-moi.
Note : Is. 6, 8 : Qui enverrai-je ? Ce singulier marque l’unité d’essence. ― Pour nous ; exprime la distinction des personnes dans l’essence divine.
9 Et il dit : Va, et tu diras à ce peuple : Ecoutant, écoutez, et ne comprenez pas ; et voyez la vision, et ne la discernez pas;
Note : Is. 6, 9 : Voir Matthieu, 13, 14 ; Marc, 4, 12 ; Luc, 8, 10 ; Jean, 12, 40 ; Actes des Apôtres, 28, 26 ; Romains, 11, 8. ― Ecoutant, écoutez ; hébraïsme, pour écoutez bien.
10 Aveugle le coeur de ce peuple, et rends ses oreilles sourdes, et ferme ses yeux ; de peur qu’il ne voie de ses yeux, et qu’il n’entende de ses oreilles, et que de son coeur il ne comprenne, et qu’il ne se convertisse et que je ne le guérisse.
Note : Is. 6, 10 : Aveugle, etc. Saint Jean, saint Paul et Jésus-Christ même ont appliqué ce passage à l’endurcissement des Juifs au temps de l’Evangile. Voir Matthieu, 13, 14 ; Luc, 8, 10 ; Jean, 12, 40 ; Actes des Apôtres, 28, 26 ; Romains, 11, 8. ― Le coeur ; l’intelligence.
11 Et j’ai dit : Jusques à quand, Seigneur? et il a dit : Jusqu’à ce que les cités soient désolées, et sans un habitant, et que les maisons soient sans un homme ; et la terre sera laissée déserte. 12 Et le Seigneur éloignera les hommes, et elle se multipliera, celle qui avait été délaissée au milieu de la terre.
Note : Is. 6, 12 : Eloignera ; bannira les Juifs loin de leur pays. ― Elle se multipliera, etc. ; la nation des Juifs.
13 Et elle sera encore décimée, et elle se convertira, et elle se montrera comme le térébinthe et comme le chêne qui étend ses rameaux; ce sera une race sainte, ce qui restera en elle.
Note : Is. 6, 13 : Elle sera encore décimée. Cette décimation que quelques interprètes ont prise à tort en bonne part, pourrait s’expliquer du carnage qui fut fait des Juifs sous Adrien ; carnage si horrible, qu’à peine la dixième partie put s’y soustraire.