Chapitre 14
1 Un autre encore, pensant a naviguer, et commençant à faire route à travers les flots impétueux, invoque un bois plus fragile que celui qui le porte. 2 Car le désir d’acquérir l’a inventé, et un ouvrier l’a fabriqué par son adresse.
Note : Sg. 14, 2-7 : Ces versets forment une parenthèse, dans laquelle l’auteur montre comment, avec la permission de Dieu, la navigation a été inventée par les hommes, afin de faire éclater sa toute-puissance et comment Dieu s’en est servi dans le déluge pour répandre ses bénédictions sur le genre humain.
3 Mais c’est votre providence, ô Roi, qui le gouverne ; parce que c’est vous qui avez tracé sur la mer une voie, et au milieu des flots un sentier très assuré ;
Note : Sg. 14, 3 : Voir Exode, 14, 22. ― Quelques-uns croient que le Sage fait ici allusion au passage de la mer Rouge ; mais la plupart l’entendent de l’art de la navigation
4 Montrant ainsi que vous pouvez sauver de tous les périls, lors même que quelqu’un, sans le secours de l’art, va sur la mer. 5 Mais afin que les ouvrages de votre sagesse ne fussent pas inutiles, les hommes confient leurs âmes même à un faible bois ; et, traversant la mer, ils ont été sauvés avec un vaisseau.
Note : Sg. 14, 5 : Ils ont été sauvés (liberati sunt). Le grec met également le verbe au passé ; peut-être que l’écrivain sacré fait allusion à quelque fait antérieur connu des Hébreux, mais dont l’Histoire ne parle pas.
6 Mais aussi dès le commencement, lorsque périrent les géants superbes, l’espoir du globe de la terre se réfugiant dans un vaisseau qui était conduit par votre main, conserva au monde un germe de renaissance.
Note : Sg. 14, 6 : Un germe de renaissance ; Noé et sa famille, qui ont donné naissance au nouveau monde. Comparer à Genèse, 6, 4 ; 7, 7.
7 Car béni est le bois par lequel est faite la justice.
Note : Sg. 14, 7 : Béni est le bois, etc. ; expression mystérieuse dans laquelle les Pères découvrent le bois de la croix du Sauveur, laquelle, contribuant à son sacrifice, a procuré au monde le don de la justice qu’il nous a méritée par son sang. Ce bois sacré est figuré par le bois même de l’Arche qui sauva Noé et sa famille.
8 Mais l’idole qui est faite par les mains est maudite, elle-même et celui qui l’a faite : l’un, parce qu’il la faite, et l’autre, parce que, quoiqu’elle fût quelque chose de fragile, elle a été surnommée dieu.
Note : Sg. 14, 8 : Voir Psaumes, 113, 4 ; Baruch, 6, 3.
9 Or Dieu a également en haine l’impie et son impiété. 10 Et aussi ce qui a été fait avec celui qui l’a fait, souffrira des tourments. 11 A cause de cela, pour les idoles des nations, il n’y aura pas d’égard ; parce que les créatures de Dieu lui sont devenues un objet de haine, une tentation pour les âmes des hommes, et un piège pour les pas des insensés.
Note : Sg. 14, 11 : Pour les idoles des nations, etc. ; c’est-à-dire qu’elles ne seront pas épargnées, mais renversées et détruites. C’est ce que les prophètes avaient prédit. Voir Isaïe, 2, 20 ; Jérémie, 10, 5 ; Ezéchiel, 30, 13 ; Zacharie, 13, 2. Comparer au verset 13.
12 Car le commencement de la fornication est la recherche des idoles, et leur découverte, la corruption de la vie humaine;
Note : Sg. 14, 12 : La recherche des idoles ; c’est le premier essai qui a été fait pour en fabriquer. Or ce premier essai a été suivi de la fornication, qui est devenue une partie du culte des idoles. Par fornication, quelques interprètes entendent l’idolâtrie elle-même, qui est souvent appelée de ce nom. ― Leur découverte, etc. Une fois trouvé et établi, le culte des idoles a introduit la corruption, c’est-à-dire, outre la fornication, toute sorte d’affreux dérèglements parmi les hommes.
13 Car elles n’étaient pas au commencement, et elles ne seront pas pour toujours.
Note : Sg. 14, 13 : Car elles n’étaient pas au commencement. Les idoles n’existaient pas, en effet, lorsque fut créé le premier homme, qui ne connut et n’adora qu’un Dieu, son créateur. Par conséquent, l’idolâtrie, qui ne fut introduite que dans des temps postérieurs par des hommes pervers, loin d’être conforme à la nature de l’homme, y est entièrement opposée. ― Elles ne seront pas pour toujours. Les prophètes l’avaient prédit (voir verset 11), et la prédication de l’Evangile a confirmé leur prédiction ; car depuis la venue du Messie, qui lui a porté un coup mortel, l’idolâtrie n’a cessé de diminuer.
14 Car la vanité des hommes est venue sur le globe de la terre ; et c’est pour cela que leur fin s’est trouvée prompte.
Note : Sg. 14, 14 : S’est trouvée prompte (est inventus). Le verbe étant au passé dans le grec comme dans la Vulgate, l’auteur sacré fait sans doute allusion à la destruction du monde par le déluge, ou à quelque autre évènement antérieur à son époque, mais dont l’histoire ne nous a laissé aucune mention.
15 Gémissant en effet dans un deuil amer, un père fit l’image de son fils qui lui avait été soudainement ravi ; et il commença à adorer comme dieu celui qui, comme homme, venait de mourir, et il établit pour lui parmi ses serviteurs un culte et des sacrifices.
Note : Sg. 14, 15 : Une des causes de l’idolâtrie fut le regret excessif causé par la perte des parents et des amis. Voir 2 Machabées, 11, 23. ― Il établit pour lui parmi ses serviteurs un culte et des sacrifices. C’est ce qui avait lieu en particulier en Egypte.
16 Ensuite, le temps intervenant, l’inique coutume prévalut; l’erreur fut observée comme une loi, et par le commandement des princes, des idoles étaient adorées.
Note : Sg. 14, 16 : Et par le commandement, etc. Voir Daniel, 3, 1-22.
17 Et quant à ceux que les hommes ne pouvaient honorer en face, parce qu’ils étaient éloignés, après avoir fait apporter de loin leurs portraits, ils exposèrent aux yeux l’image du roi qu’ils voulaient honorer, afin d’adorer dans leur zèle, comme présent, celui qui était absent.
Note : Sg. 14, 17 : On avait divinisé les rois dans divers pays. En Egypte, les Lagides payaient régulièrement des sommes destinées à rendre les honneurs divins à leurs prédécesseurs.
18 Mais ce qui augmenta leur culte, et les adorateurs ignorants, ce fut le zèle extraordinaire de l’artiste.
Note : Sg. 14, 18 : Et les adorateurs ignorants ; littéralement et ceux qui ignoraient (et hos qui ignorabant). Cet accusatif hos de la Vulgate peut être le régime de la préposition ad, exposant du premier complément culturam du verbe provexit, ou second complément de ce même verbe ; car ces deux sortes de constructions sont également usitées, au moins en hébreu.
19 Car, voulant plaire à celui qui l’employait, il épuisa tout son art pour faire une image plus parfaite. 20 Or la multitude des hommes, séduite par la beauté de l’ouvrage, estima dieu celui qui un peu auparavant avait été honoré comme un homme.
21 Et telle fut la déception de la vie humaine, parce que des hommes, soit disposés à cela personnellement, soit trop complaisants pour les rois, donnèrent à des pierres et à du bois le nom incommunicable.
Note : Sg. 14, 21 : Le nom incommunicable, le nom de Dieu, Jéhovah, qui ne se communique pas aux créatures, comme quelques autres, par exemple Elôhim, Adônâï. Les Juifs, par respect, ne le prononcent jamais ; ils y subsistent Adônâï, que les Septante et la Vulgate ont constamment traduit par le Seigneur. Phrase suivante supprimée.
22 Et il ne leur a pas suffi d’errer touchant la science de Dieu ; mais vivant dans une grande lutte causée par l’ignorance, ils appellent paix tant et de si grands maux.
23 Car, ou immolant leurs propres enfants, ou faisant des sacrifices clandestins, ou célébrant des veilles pleines d’une brutalité furieuse,
Note : Sg. 14, 23 : Voir Deutéronome, 18, 10 ; Jérémie, 7, 6. ― En immolant leurs propres enfants. Voir Sagesse, note 12. 4-5. Cet usage barbare subsistait encore à Carthage, quand écrivait l’auteur de la Sagesse. ― Ou faisant des sacrifices clandestins, allusion aux mystères, tels que ceux d’Eleusis, etc. ― Célébrant des villes pleines d’une brutalité furieuse, dans les orgies du culte de Bacchus, voir 2 Machabées, 6, 4 ; Romains, 13, 13 ; Baruch, 6, 43.
24 Ils ne gardent ni l’honnêteté dans leur vie, ni la chasteté dans leur mariage; mais l’un tue l’autre par envie, ou l’outrage par l’adultère; 25 Et tout est confondu; le sang, l’homicide, le vol, la fourberie, la corruption, l’infidélité, le tumulte, le parjure, la vexation des bons, 26 L’oubli de Dieu, la souillure des âmes, le changement de la naissance, l’inconstance des mariages, et les dissolutions de l’adultère et de l’impudicité ;
Note : Sg. 14, 26 : Le changement de naissance ; la confusion dans la naissance des enfants, dont la vraie origine ne saurait être assurée au milieu d’une si affreuse corruption des mariages.
27 Car le culte des infâmes idoles est la cause, le principe et la fin de tout le mal. 28 Car ou lorsqu’ils se réjouissent, ils s’abandonnent à la fureur, ou ils annoncent comme certaines des choses fausses, ou ils vivent dans l’injustice, ou ils se parjurent sans hésitation. 29 Car, se confiant en des idoles qui sont sans âme, ils espèrent que, tout en jurant faussement, ils ne se nuisent pas.
30 Ces deux choses donc leur viendront en punition bien méritée, parce qu’ils ont mal pensé de Dieu en s’attachant aux idoles, et qu’ils ont juré injustement, méprisant la justice par leur fourberie. 31 Car ce n’est pas la puissance de ceux par qui on a juré, mais la peine due aux pécheurs, qui marche toujours contre les Sommes injustes.
Note : Sg. 14, 31 : Parmi les païens, il s’en trouvait qui croyaient que les dieux punissaient quelquefois les parjures ; le Sage leur montre ici que, si cela arrive, ce n’est pas à ces fausses divinités qu’il faut l’attribuer, mais au souverain Seigneur.