Chapitre 6
1 Mon fils, si tu t’es rendu garant pour ton ami, et que tu aies engagé à un étranger ta main,
Note : Prov. 6, 1-5 : Il ne faut pas engager témérairement sa parole en se portant caution.
Note : Prov. 6, 1 : Et que tu aies, etc. C’est une très ancienne coutume parmi les Orientaux de confirmer leurs promesses et leurs engagements, en se donnant mutuellement la main. On en voit beaucoup d’exemple dans la Bible (voir Proverbes, 17, 18 ; 22, 26 ; Isaïe, 62, verset 8 et suivants, etc. ). Xénophon parle de cette pratique très commune parmi les Perses (Anabase, l. II, III, et alibi passim).
2 Tu t’es enlacé par les paroles de ta bouche, et tu as été pris par tes propres discours. 3 Fais donc ce que je dis, mon fils, délivre-toi toi-même, parce que tu es tombé dans la main de ton prochain. Cours de tous côtés, hâte-toi, réveille ton ami; 4 N’accorde point de sommeil à tes yeux, et que tes paupières ne s’assoupissent point. 5 Dégage-toi, comme un petit daim qui échappe de la main, et comme un oiseau qui fuit de la main d’un oiseleur.
Note : Prov. 6, 5 : De la main. Toutes les versions anciennes autres que la Vulgate traduisent : Des filets, au lieu de la main.
6 Va à la fourmi, ô paresseux, et considère ses voies, et apprends la sagesse;
Note : Prov. 6, 6-8 : Ce que le Sage dit de la fourmi, voir Proverbes, 6, 6-8 et 30, 25, a donné lieu à des objections. D’après les Proverbes, les fourmis font des provisions au temps de la moisson. C’est ce qu’on a cru, en effet, partout jusqu’au siècle dernier, et ce que nous lisons dans les fables de La Fontaine ; mais, dit-on, en réalité, la fourmi est carnivore ; elle vit d’insectes et de pucerons, qu’elle élève pour les traire et se nourrir de leur lait ; en fait de matières non animales, elle n’aime que celles qui sont sucrées. Pendant l’hiver, en Occident, elle ne mange pas ; elle s’engourdit, et se réveille au même degré de température que les pucerons dont elle se nourrit. ― De tout cela, on ne peut rien conclure contre l’inspiration de l’auteur sacré. Salomon propose surtout, et à bon droit, les fourmis comme un modèle d’activité. « On a célébré avec raison, dit Latreille, la prévoyance de ces insectes et leur amour insatiable pour leur travail. » Quant à leur approvisionnements, un savant naturaliste anglais, sir John Lubbock, l’un des derniers qui aient étudié leurs moeurs, dit à leur sujet : « Nos fourmis anglaises ne font pas de provisions pour l’hiver ; leur genre de nourriture ne le permet pas ; mais quelques espèces des pays méridionaux font des amas de grain, quelquefois en quantité considérable. » Le D Lortet dit expressément que les fourmis de Syrie ramassent dans leurs greniers « une quantité de blé souvent très considérable. » ― Et il ajoute : « Des milliers de travailleurs sont activement occupés à chercher des grains de blés tombés sur le sol et à les rentrer dans leurs vastes greniers souterrains. Les greniers de ces fourmilières, très vastes, très profonds, forment plusieurs étages réunis par des galeries superposées les unes aux autres… Lorsque la moisson n’est pas abondante, les fellahs ont toujours la précaution d’aller reprendre à ces laborieux insectes les provisions qu’ils ont faites pour la saison d’hiver. »
7 La fourmi, quoiqu’elle n’ait ni chef, ni maître, ni prince, 8 Prépare dans l’été sa nourriture, et rassemble durant la moisson ce qu’elle doit manger. 9 Jusqu’à quand, paresseux, dormiras-tu? quand sortiras-tu de ton sommeil? 10 Tu dormiras un peu, tu sommeilleras un peu, tu mettras un peu les mains l’une dans l’autre, afin que tu dormes :
Note : Prov. 6, 10 : Voir Proverbes, 24, 33. ― Tu dormiras, etc. C’est une imitation des gestes d’un paresseux, ou une concession, en sorte que le sens soit : Dors donc, etc. ; ou bien enfin, c’est une prosopopée du paresseux qui dit, lorsqu’on l’éveille : Laissez-moi dormir encore un peu, etc. ― Ce tableau de la paresse du dormeur est complet dans sa brièveté : il y a une gradation bien marquée : au sommeil succède l’assoupissement ; puis, avant de se décider à se lever, le paresseux étire longtemps les bras.
11 Et viendra à toi, comme un coureur de chemin, la détresse; et la pauvreté comme un homme armé. Mais si tu es actif, viendra ta moisson comme une source abondante, et la détresse fuira loin de toi.
Note : Prov. 6, 11 : Un coureur de chemins (viator), qui tombe inopinément sur les passants. Comparer à Proverbes, 24, 34. ― Un homme armé ; auquel on ne peut résister.
12 Un homme apostat, homme inutile, va tenant des discours pervers,
Note : Prov. 6, 12-15 : Contre la fourberie.
Note : Prov. 6, 12 : Va tenant, etc. ; littéralement marche avec une bouche perverse. ― L’homme apostat, d’après l’original signifie le méchant.
13 Fait signe des yeux, frappe du pied, parle avec un doigt,
Note : Prov. 6, 13 : Fait signe, etc. ; peinture exacte d’un homme inconstant et fourbe. ― Le fourbe se sert de signes, des yeux, des pieds et des mains pour dissimuler et tromper.
14 Avec un coeur dépravé il machine le mal, et en tout temps il sème des querelles ; 15 En un moment lui viendra sa perte, et soudain il sera brisé, et il n’aura plus de remède.
16 Il y a six choses que hait le Seigneur, et la septième, son âme la déteste :
Note : Prov. 6, 16-19 : Les sept vices que Dieu déteste.
17 Des yeux altiers, une langue menteuse, des mains versant un sang innocent, 18 Un coeur formant des pensées très mauvaises, des pieds prompts à courir au mal, 19 Un témoin fallacieux proférant des mensonges, et celui qui, entre des frères, sème des discordes.
20 Conserve, mon fils, les préceptes de ton père, et ne rejette pas la loi de ta mère.
Note : Prov. 6, 20 : Conserve, mon fils. Commencement de la troisième subdivision de la première partie qui s’étend jusqu’au chapitre 9 inclusivement. Le discours du Sage croît graduellement en force et en grandeur, et il s’élève jusqu’à la plus haute poésie pour faire l’éloge de la sagesse incréée.
21 Lie-les dans ton coeur continuellement, et mets-les autour de ton cou.
Note : Prov. 6, 21 : Lie-les ; allusion à ce que dit Moïse dans Deutéronome, 6, 6-8. Comparer à Proverbes, 7, 3.
22 Lorsque tu vas et viens, qu’ils marchent avec toi : lorsque tu dors, qu’ils te gardent, et te réveillant, parle avec eux; 23 Parce qu’un commandement est un flambeau, et la loi, une lumière, et que c’est la voie de la vie qu’une remontrance de discipline ;
24 Afin qu’ils te préservent d’une femme corrompue et de la langue flatteuse d’une étrangère.
Note : Prov. 6, 24-35 : Sur la chasteté. Après une exhortation générale à suivre ses avis paternels (versets 20 à 23), le Sage exhorte à fuir l’impureté (versets 24 à 35).
25 Que ton coeur ne se passionne point pour sa beauté ; et ne sois point pris par les signes de ses yeux; 26 Car le prix d’une prostituée est à peine d’un pain seul; mais une femme ravit l’âme précieuse d’un homme. 27 Est-ce qu’un homme peut cacher du feu dans son sein, sans que ses vêtements s’embrasent? 28 Ou marcher sur des charbons ardents, sans que soient brûlées les plantes de ses pieds? 29 Ainsi celui qui s’approche de la femme de son prochain ne sera pas pur lorsqu’il l’aura touchée.
30 Ce n’est pas une grande faute, lorsque quelqu’un dérobe afin de remplir son âme affamée ; 31 Pris, il rendra même le septuple, et il livrera tout ce qu’il a dans sa maison. 32 Mais celui qui est adultère, à cause de son manque de coeur, perdra son âme ; 33 Il rassemble sur lui la turpitude et l’ignominie, et son opprobre ne sera pas effacé; 34 Parce que la jalousie et la fureur du mari ne pardonneront pas au jour de la vengeance, 35 Et il n’acquiescera aux prières de personne, et il ne recevra pas pour satisfaction les dons les plus nombreux.