Chapitre 21
1 Pour la fin, pour le secours du matin, psaume de David.
Note : Ps. 21, 1 : Hébreu : « Au chef de choeur. Sur [l’air de] ‘ayyéleth asch-schakhar, ou la biche de l’aurore. » Psaume prophétique, annonçant les souffrances du Messie. Il est comme un miracle permanent, tant la Passion y est prédite d’une manière claire : Ut non tam prophetia quam historia videatur, dit Cassiodore. On ne peut trouver dans tout l’Ancien Testament un seul personnage à qui il s’applique. Les premiers mots ont été prononcés par Notre-Seigneur sur la croix, voir Matthieu, 27, 46 ; Marc, 15, 34. ― Le Sitio, que le Sauveur fit entendre à ses derniers moments, avait pour but d’accomplir la prophétie du verset 16, voir Jean, 19, 28. Tous les autres traits annoncés ont été également accomplis en la personne de Jésus-Christ. Non seulement le premier verset est tout à la fois parole des Psaumes et parole d’Evangile, mais aussi les blasphèmes et les branlements de tête, verset 8, voir Matthieu, 27, 39 ; l’insulte pour avoir placé mal à propos en Dieu sa confiance, verset 9, voir Matthieu, 27, 43 ; le partage des vêtements et le tirage au sort de la robe, verset 19, voir Jean, 19, verset 23 et suivants. Impossible de mieux peindre que les versets 15 à 18 les tortures de la crucifixion : distension des membres du corps nu, douleurs des mains et des pieds, soif brûlante. Voir aussi, Hébreux, 2, verset 11 et suivants ; Matthieu, 28, 10 ; Jean, 20, 17 et Psaumes, 21, 23. Aussi l’Eglise, au IVe concile général de Constantinople, coll. 4, a-t-elle condamné Théodore de Mopsueste, qui entendait ce psaume dans un sens purement historique, non prophétique.
2 Dieu, mon Dieu, regardez-moi : pourquoi m’avez-vous délaissé ? Les paroles de mes péchés sont loin de mon salut.
Note : Ps. 21, 2 : Voir Matthieu, 27, 46 ; Marc, 15, 34. ― Les paroles de mes péchés, etc. ; le cri de mes péchés s’oppose à mon salut et à ma délivrance. Ces paroles conviennent assez à David, poursuivi par Absalom, son fils. Il reconnaissait que tous les malheurs dont sa famille avait été affligée, et ce qu’il éprouvait lui-même, n’étaient que la juste peine de son adultère et de son homicide. Si on applique ces mêmes paroles à Jésus-Christ, les mots mes péchés ne sauraient s’entendre de ses propres péchés, puisqu’il n’en commit jamais, et qu’il n’en pouvait commettre, mais des péchés des hommes dont il s’était chargé pour les expier. « Il a fait nos péchés ses péchés, dit saint Augustin, afin de faire sa justice notre justice (Delicta nostra, sua delicta fecit, ut justitiam suam nostram justitiam faceret). » Voir Jean, 1, 29 ; 2 Corinthiens, 5, 21 ; Galates, 3, 13 ; 1 Pierre, 2, 22.
Note : Ps. 21, 2-12 : Plaintes du messie délaissé de son Père sur la croix et abandonné de tous.
3 Mon Dieu, je crierai pendant le jour, et vous ne m’exaucerez pas : et pendant la nuit, et ce n’est point à moi une folie. 4 Mais vous, vous habitez dans un sanctuaire, vous la louange d’Israël.
5 C’est en vous qu’ont espéré nos pères : ils ont espéré, et vous les avez délivrés. 6 Vers vous ils ont crié et ils ont été sauvés : en vous ils ont espéré, et ils n’ont point été confondus. 7 Pour moi je suis un ver et non pas un homme; l’opprobre des hommes et l’abjection du peuple. 8 Tout ceux qui m’ont vu m’ont tourné en dérision : ils ont parlé du bout des lèvres, et ils ont secoué la tête.
Note : Ps. 21, 8 : Voir Matthieu, 27, 39 ; Marc, 15, 29. ― Ils ont parlé du bout des lèvres ; c’est-à-dire ils ont murmuré.
9 Il a espéré dans le Seigneur, qu’il le délivre; qu’il le sauve, puisqu’il l’aime.
Note : Ps. 21, 9 : Voir Matthieu, 27, 43.
10 Cependant c’est vous qui m’avez tiré du sein de ma mère : vous êtes mon espérance depuis que je suçais les mamelles de ma mère. 11 C’est sur vous que j’ai été posé, en sortant de son sein; depuis que j’étais dans les entrailles de ma mère, vous êtes mon Dieu.
Note : Ps. 21, 11 : C’est sur vous, etc. Allusion à l’ancienne coutume de mettre les enfants au sortir du sein de leur mère sur les genoux de leur père. Voir Genèse, 30, 3 ; Job, 3, 12. Cet usage existait aussi chez les Grecs ; Homère en rapporte des exemples dans l’Iliade et l’Odyssée.
12 Ne vous éloignez pas de moi: Parce que la tribulation est proche, parce qu’il n’y a personne qui me porte secours.
13 De jeunes taureaux en grand nombre m’ont environné ; des taureaux gras m’ont assiégé.
Note : Ps. 21, 13-22 : Description des tourments de la Passion.
14 Ils ont ouvert sur moi leur gueule comme un lion ravissant et rugissant. 15 Je me suis épanché comme de l’eau, et tous mes os se sont déboîtés. Mon coeur est devenu au dedans de moi comme une cire qui se fond.
16 Ma force s’est desséchée comme un têt, et ma langue s’est attachée à mon palais; et vous m’avez conduit à la poussière de la mort.
Note : Ps. 21, 16 : Comme un têt ; il n’y a rien de plus sec qu’un morceau de poterie que ni l’eau ni l’humidité ne peuvent pénétrer. ― La poussière de la mort, les corps morts se décomposent et sont réduits en poussière.
17 Parce que des chiens nombreux m’ont environné ; un conseil de méchants m’a assiégé : Ils ont percé mes mains et mes pieds :
Note : Ps. 21, 17 : Ils ont percé mes mains et mes pieds. Il faut renoncer à toutes les lois de la critique et de l’herméneutique, pour traduire avec les Juifs, comme un lion, mes mains et mes pieds, et avec les hébraïsants rationalistes, ils ont lié, ou souillé mes mains et mes pieds.
18 Ils ont compté tous mes os. Ils m’ont eux-mêmes considéré et regardé attentivement. 19 Ils se sont partagé mes vêtements, et sur ma robe ils ont jeté le sort.
Note : Ps. 21, 19 : Voir Matthieu, 27, 35 ; Jean, 19, 23-24.
20 Mais vous, Seigneur, n’éloignez pas votre secours de moi : voyez à ma défense. 21 Arrachez mon âme à l’épée à double tranchant; et mon unique de la main du chien.
Note : Ps. 21, 21 : Unique ; qualificatif du mot âme, exprimé dans la phrase, mais qui la désigne en tant que seule, isolée, abandonnée.
22 Sauvez-moi de la gueule du lion; et ma faiblesse des cornes des licornes.
Note : Ps. 21, 22 : Des cornes des licornes, du reêm ou boeuf sauvage (décrit dans Job, 39, 9-12), comme le porte le texte original. La Vulgate a traduit le mot reêm, tantôt par licorne, tantôt par rhinocéros, mais reêm signifie toujours le buffle ou boeuf sauvage.
23 Je raconterai votre nom à mes frères; je vous louerai au milieu de l’assemblée.
Note : Ps. 21, 23 : Voir Hébreux, 2, 12.
Note : Ps. 21, 23-32 : Gloire de la résurrection. Reconnaissance du Messie envers son Père ; il le louera dans l’Eglise et le fera louer par elle dans toute la terre jusqu’à la fin des temps.
24 Vous qui craignez le Seigneur, louez-le ; race entière de Jacob, glorifiez-le :25 Que toute la race d’Israël le craigne, parce qu’il n’a pas méprisé ni dédaigné la supplication du pauvre ; Et qu’il n’a point détourné sa face de moi, et que lorsque je criais vers lui, il m’a exaucé. 26 Devant vous sera ma louange dans une grande assemblée : je rendrai mes voeux en présence de ceux qui le craignent. 27 Les pauvres mangeront et seront rassasiés; et ils loueront le Seigneur, ceux qui le recherchent ; leurs coeurs vivront dans les siècles des siècles. 28 Tous les confins de la terre se souviendront du Seigneur et se convertiront à lui : Et toutes les familles des nations adoreront en sa présence.
29 Parce qu’au Seigneur appartient le règne; et que c’est lui qui dominera sur les nations. 30 Tous les riches de la terre ont mangé et ont adoré : en sa présence tomberont tous ceux qui descendent dans la terre.
Note : Ps. 21, 30 : Les riches ; les opulents ; littéralement les gras (pingues).
31 Et mon âme vivra pour lui; et ma postérité le servira. 32 La génération qui doit venir sera annoncée au Seigneur; et les cieux annonceront sa justice au peuple qui naîtra, et qu’a fait le Seigneur.
Note : Ps. 21, 32 : La génération qui doit venir sera annoncée au Seigneur ; c’est-à-dire, comme on l’explique ordinairement, sera déclarée appartenir au Seigneur. Selon l’hébreu : Il sera raconté touchant le Seigneur à la génération future ; c’est-à-dire le Seigneur sera annoncé, publié dans les siècles futurs.