Chapitre 3
1 Donc, lorsque la sainte cité était habitée en toute paix, et que les lois aussi étaient encore parfaitement observées, à cause de la piété d’Onias, le pontife, et des esprits, qui avaient en haine le mal,
Note : II Macc. 3, 1 : Onias. Voir 1 Machabées, 12, 7.
2 Il arrivait que les rois eux-mêmes et les princes jugeaient ce lieu digne du plus grand honneur, et ornaient le temple de très riches présents. 3 En sorte que Séleucus, roi d’Asie, pourvoyait de ses revenus à toutes les dépenses qui regardaient le ministère des sacrifices.
Note : II Macc. 3, 3 : D’Asie. Voir 1 Machabées, note 8. 6. Séleucus est Séleucus IV Philopator, fils et successeur d’Antiochus III le Grand (187-175). Sous les premiers Ptolémées, la Palestine avait appartenu à l’Egypte. Elle était tombée en la possession d’Antiochus III le Grand, quand ce prince eut remporté en 198 une grande victoire à Panéas. En mariant sa fille Cléopâtre au jeune Ptolémée V Epiphane, roi d’Egypte, il lui avait bien donné comme dot les provinces conquises de la Coelésyrie, de la Phénicie et de la Palestine, mais en fait, il ne s’en était pas dessaisi, de sorte que son fils Séleucus IV hérita de la Palestine, comme de toute la Syrie. Le règne de Séleucus IV fut peu brillant. Accablé sous le poids des impôts que les Romains avaient imposés à son père (voir 1 Machabées, 8, 7), sa grande préoccupation fut de se procurer l’argent nécessaire pour satisfaire ses impitoyables vainqueurs. De là sa tentative pour faire piller le temple de Jérusalem par héliodore. Il périt assassiné par ce même Héliodore en 175.
4 Mais Simon, de la tribu de Benjamin, constitué intendant du temple, s’efforçait, le prince des prêtres s’opposant à lui, d’entreprendre quelque chose d’inique dans la cité.
Note : II Macc. 3, 4 : Intendant du temple pour les affaires du dehors, ou purement temporelles, puisqu’appartenant à la tribu de Benjamin, il n’était ni prêtre ni lévite. Le désaccord qui s’éleva entre Simon et Onias devait provenir de difficultés concernant les achats pour le temple. Onias III alla plus tard se plaindre au roi de Syrie de la conduite de Simon, voir 2 Machabées, 4, 1-6 ; mais l’auteur sacré ne nous apprend pas quel fut le résultat de cette démarche. Le grand prêtre usurpateur Ménélaüs, dont il est parlé plus loin, voir 2 Machabées, 4, 23, était frère d’un Simon, sans doute le même que celui dont il est question ici.
5 Mais comme il ne pouvait vaincre Onias, il vint vers Apollonius, fils de Tharsée, qui en ce temps-là était gouverneur de la Coelésyrie et de la Phénicie ;
Note : II Macc. 3, 5 : Apollonius, fils de Tharsée…, gouverneur de la Coelésyrie et de la Phénicie, doit être différent du collecteur d’impôts mentionné plus loin, voir 2 Machabées, 5, 24 ; 1 Machabées, 1, 30). C’est probablement l’Apollonius dont parle Polybe comme d’un homme ayant une grande situation à la cour de Séleucus et dont le fils, qui portait le même nom, était gouverneur de la Coelésyrie, celui dont parle 1 Machabées, 10, 69.
6 Et il lui annonça que le trésor public à Jérusalem était plein de sommes innombrables d’argent, et qu’il y avait des richesses publiques immenses, qui ne regardaient pas la dépense des sacrifices, et qu’elles pouvaient tomber toutes sous la puissance du roi.
7 Et lorsqu’Apollonius eut informé le roi des sommes d’argent qui lui avaient été dénoncées, celui-ci fit venir Héliodore, qui était chargé de ses affaires, et l’envoya avec ordre de transporter ledit argent.
Note : II Macc. 3, 7 : Chargé de ses affaires (super negotia ejus), c’est-à-dire, surintendant de ses finances. On a trouvé en 1877 et 1879 dans l’île de Délos deux inscriptions grecques qui se rapportent à Héliodore. Elles nous font connaître que son père s’appelait Eschyle et qu’il était originaire d’Antioche. L’une d’elles lui donne le même titre que le livre des Machabées, lequel correspond à trésorier du roi. Héliodore assassina peu après son maître Séleucus IV Philopator (175).
8 Et aussitôt Héliodore se mit en chemin, en apparence comme s’il allait visiter les cités de Coelésyrie et de Phénicie ; mais en réalité c’était pour exécuter l’intention du roi.
9 Mais lorsqu’il fut arrivé à Jérusalem et qu’il eut été reçu avec bonté dans la cité par le grand prêtre, il lui rapporta l’avis donné au roi sur les sommes d’argent, et lui manifesta pour quel motif il était venu; et il lui demandait si les choses étaient ainsi. 10 Alors le grand prêtre lui représenta que cet argent était déposé dans le temple, et que c’était la subsistance des veuves et des orphelins ; 11 Qu’une partie même dans ce dont l’impie Simon avait donné avis appartenait à Hircan-Tobie, homme éminent; mais que toute la somme consistait en quatre cents talents d’argent et en deux cents d’or;
Note : II Macc. 3, 11 : Talents. Voir 1 Machabées, 11, 28. Hircan-Tobie ou fils de Tobie est, selon les uns, un fils de Tobie et d’une soeur du grand prêtre Onias III ; selon d’autres, c’est seulement un petit-fils de Tobie, dont le père s’appelait Joseph et le même que cet Hircan dont Josèphe raconte l’histoire et qui joua à cette époque un rôle politique important.
12 Mais que tromper ceux qui avaient confié leur argent à un lieu et à un temple qui dans le monde entier était honoré pour sa vénération et sa sainteté, était entièrement impossible. 13 Mais Héliodore, à cause des ordres qu’il avait reçus du roi, disait qu’il fallait qu’à tout prix cet argent fût porté au roi.
14 Ainsi au jour marqué, Héliodore entrait dans le temple, pour exécuter cette entreprise. Cependant une agitation considérable régnait dans la cité entière. 15 Or les prêtres avec leurs robes sacerdotales, se prosternèrent devant l’autel, et ils invoquaient dans le ciel celui qui a établi la loi sur les dépôts, afin qu’il les conservât saufs à ceux qui les avaient faits.
16 Mais celui qui voyait le visage du grand prêtre était blessé au coeur ; car sa face et sa couleur changée annonçaient la douleur intérieure de son âme.
Note : II Macc. 3, 16 : Sa face et sa couleur ; pour la couleur de sa face ; figure grammaticale dont la Bible fournit plusieurs exemples.
17 Car une certaine tristesse était répandue sur cet homme, ainsi qu’une horreur dont son corps était saisi, horreur par laquelle la douleur de son coeur devenait manifeste pour ceux qui le regardaient.
Note : II Macc. 3, 17 : Cet, pronom représenté par l’article déterminatif qui se lit dans le texte grec, et qui dans le style biblique se met pour le pronom démonstratif et possessif.
18 D’autres aussi accouraient par troupes de leurs maisons, conjurant Dieu par des prières publiques, à cause que le lieu saint allait être exposé au mépris. 19 Et les femmes, le sein couvert de cilices, accouraient en foule sur les places publiques, et les vierges mêmes, qui étaient enfermées, couraient les unes vers Onias, les autres vers les murs, et quelques-unes regardaient par les fenêtres ;
Note : II Macc. 3, 19 : Les vierges, etc. Dans l’orient, les filles ne paraissent presque jamais au dehors de la maison. C’est pour cela que les Hébreux et les Arabes les désignent par des termes qui signifient cachées, séparées.
20 Mais toutes, tendant les mains vers le ciel, priaient avec instance. 21 Car déplorable était l’attente de cette multitude confuse et du grand prêtre livré à l’angoisse.
22 Et ceux-ci donc invoquaient le Dieu tout-puissant, afin que le dépôt fût conservé dans toute son intégrité à ceux qui l’avaient confié. 23 Mais Héliodore exécutait ce qu’il avait décidé, étant lui-même présent dans le même lieu avec les gardes autour du trésor. 24 Mais l’esprit du Dieu tout-puissant se montra avec une grande évidence, en sorte que tous ceux qui avaient osé obéir à Héliodore, renversés par la vertu de Dieu, tombèrent dans la défaillance et la frayeur. 25 Car il leur apparut un cheval orné d’un très beau caparaçon, ayant un cavalier terrible; et ce cheval froissa Héliodore avec les pieds de devant, et celui qui le montait semblait avoir des armes d’or. 26 Parurent aussi deux autres jeunes hommes, remarquables par leur force, brillants de gloire et riches dans leur vêtement; lesquels se tinrent autour de lui, et ils le flagellaient des deux côtés, le frappant sans relâche d’un grand nombre de coups. 27 A l’instant donc Héliodore tomba par terre, et on l’enleva enveloppé dans une grande obscurité, et après l’avoir mis dans une chaise à porteurs, on le jeta hors du temple. 28 Ainsi celui qui entra dans ledit trésor avec un grand nombre de coureurs et de gardes était emporté, nul ne lui portant secours, la vertu manifeste de Dieu ayant été reconnue. 29 Et lui, par cette vertu divine, était couché muet, et privé de toute espérance et de guérison.
Note : II Macc. 3, 29 : De toute espérance et de guérison ; pour de toute espérance de guérison. Comparer au verset 16.
30 Mais les Juifs bénissaient le Seigneur, parce qu’il magnifiait son lieu saint; et le temple qui peu auparavant était plein de crainte et de tumulte, le Seigneur tout-puissant apparaissant, fut rempli de joie et d’allégresse.
31 Et alors quelques-uns des amis d’Héliodore priaient Onias d’invoquer le Très-Haut, afin qu’il donnât la vie à celui qui se trouvait à son dernier moment.
Note : II Macc. 3, 31 : A son dernier moment ; littéralement, à son suprême souffle.
32 Or le grand prêtre, considérant que le roi pourrait peut-être soupçonner les Juifs d’avoir commis quelque attentat contre Héliodore, offrit pour la guérison de cet homme une hostie salutaire.
Note : II Macc. 3, 32 : Cet. Voir sur ce mot, le verset 17.
33 Et lorsque le grand prêtre priait, les mêmes jeunes hommes, revêtus des mêmes habits, se présentant à Héliodore, dirent : Rends grâces au grand prêtre Onias, car à cause de lui le Seigneur t’a donné la vie. 34 Mais toi, châtié par Dieu, annonce à tous les merveilles de Dieu et sa puissance. Et cela dit, ils ne parurent plus. 35 Or Héliodore, ayant offert une hostie à Dieu, et voué de grandes promesses à celui qui lui accorda de vivre, et ayant rendu grâces à Onias et rejoint l’armée, retourna vers le roi. 36 Or il rendait témoignage à tous des oeuvres du grand Dieu, qu’il avait vues de ses yeux.
37 Et comme le roi demanda à Héliodore, qui était propre à être envoyé encore une fois à Jérusalem, il dit :38 Si vous avez quelque ennemi ou quelqu’un formant des desseins contre votre royaume, envoyez-le là, et vous le recevrez flagellé, si toutefois il en revient, parce qu’en ce lieu il y a vraiment quelque vertu de Dieu. 39 Car celui qui a dans les cieux son habitation est le visiteur et le protecteur de ce lieu, et ceux qui y viennent pour mal faire, il les frappe et les détruit.
Note : II Macc. 3, 39 : Son. Voir sur ce pronom possessif, le verset 17.
40 Ainsi par rapport à Héliodore et à la conservation du trésor, c’est ainsi que la chose se passa.