Chapitre 3
1 Après cela, le roi Assuérus éleva Aman, fils d’Amadath, qui était de la race d’Agag; et il mit son trône au-dessus de tous les princes qu’il avait auprès de lui.
Note : Esther 3, 1 : Aman. Quelques temps après l’élévation d’Esther à la dignité de reine et le service rendu au roi par Mardochée, Assuérus choisit pour premier ministre un Mède nommé Aman, originaire de la province d’Agag. « On a longtemps cru que Haman, fils d’Hamadâtha, dont le nom a reçu une si triste célébrité, était Amalékite, car l’un des rois d’Amalec s’appelait Agag. Et puisque déjà dans l’antiquité les noms d’Esaü, d’Amalec, étaient pris comme les désignations des païens d’Europe, les Septante traduisent l’hébreu Agagi par Μαχεδῶν, le Macédonien. Néanmoins, le nom de Haman, ainsi que celui de son père, trahit une origine médo-perse. Nous savons maintenant, par les inscriptions de Khorsabad, que le pays d’Agag composait réellement une partie de la Médie. Or, voilà donc une nouvelle circonstance qui montre, jusque dans ses moindres détails, la valeur historique du livre d’Esther. » (OPPERT. ) ― On voit par là que l’objection faite contre Esther, 16, 10, et tirée de ce que, dans ce passage, Aman est qualifié de Macédonien, est sans valeur. Ce passage ne contredit pas, comme on le prétendait, Esther, 3, vv. 1, 10 ; 8, 3 ; 9, vv. 6, 24. Le mot de Macédonien, dans le chapitre 16, vient de ce que les traducteurs grecs, d’après lesquels a été faite la version de ce chapitre 16, ont rendu à tort, ici comme à Esther, 9, 23 (24), le mot Agagite par Macédonien.
2 Et tous les serviteurs du roi qui étaient à la porte du palais, fléchissaient les genoux et adoraient Aman ; ainsi, en effet, leur avait ordonné le souverain. Le seul Mardochée ne fléchissait point le genou devant lui et ne l’adorait point.
Note : Esther 3, 2 : Le seul Mardochée ne fléchissait pas le genou, sans doute parce qu’il considérait cette prostration comme un acte d’idolâtrie. Les Spartiates refusèrent de rendre à Xerxès un hommage semblable.
3 Les serviteurs du roi qui gardaient la porte du palais, lui dirent : Pourquoi n’observes-tu pas comme les autres l’ordre du roi? 4 Et comme ils le lui disaient très souvent, et que lui ne les écoutait pas, ils en avertirent Aman, désirant savoir s’il persisterait dans sa résolution, car il leur avait dit qu’il était Juif. 5 Lorsqu’Aman l’eut appris, et que, par expérience, il eut reconnu que Mardochée ne fléchissait point le genou devant lui et ne l’adorait point, il fut très irrité. 6 Et il compta pour rien de porter ses mains sur le seul Mardochée ; car il avait appris qu’il était de la nation juive, et il aima mieux perdre toute la nation des Juifs qui étaient dans le royaume d’Assuérus.
7 Au premier mois (dont le nom est Nisan), la douzième année du règne d’Assuérus, le sort qui en hébreu se dit phur, fut jeté dans l’urne devant Aman, auquel jour et auquel mois la nation des Juifs devait être exterminée; et le douzième mois, qui est appelé Adar, sortit.
Note : Esther 3, 7 : Le mois de Nisan commençait à la nouvelle lune de mars, et le mois d’Adar, à la nouvelle lune de février. ― Phur ; mot persan qui a été adopté par les Hébreux. Comparer à Esther, 9, 24. ― On tirait douze sorts, pour les douze mois de l’année.
8 Et Aman dit au roi Assuérus : Il y a un peuple dispersé dans toutes les provinces de votre royaume, divisé lui-même, ayant des lois et des cérémonies nouvelles, et de plus méprisant les décrets du roi. Or vous savez très bien qu’il importe à votre royaume qu’il ne devienne pas plus insolent par la licence. 9 S’il vous plaît ainsi, décrétez qu’il périsse, et je pèserai dix mille talents aux trésoriers de votre épargne.
Note : Esther 3, 9 : Je pèserai ; c’est-à-dire je donnerai le poids, je payerai. ― Dix mille talents. Si c’étaient les talents d’argent des Hébreux, ils feraient environ 44 145 000 francs (en 1902) ; mais s’il s’agissait des talents babyloniens, les dix mille donneraient tout au plus 21 000 000 de francs (en 1902). Quoi qu’il en soit, Aman espérait recueillir de la confiscation des Juifs mis à mort la somme qu’il promettait.
10 Le roi tira donc de sa main l’anneau dont il se servait, et le donna à Aman, fils d’Amadath, de la race d’Agag, ennemi des Juifs,
Note : Esther 3, 10 : L’anneau. Il lui donnait ainsi tout pouvoir.
11 Et lui dit : Que l’argent que tu promets soit pour toi; fais de ce peuple ce qui te plaira.
12 Et les scribes du roi furent appelés en Nisan, premier mois, le treizième jour du même mois, et l’on écrivit, au nom du roi Assuérus, comme l’avait commandé Aman, à tous les satrapes du roi, aux juges des provinces et des diverses nations, avec une variété de langage telle que chaque nation pouvait lire et entendre; et les lettres, scellées de l’anneau du roi, 13 Furent envoyées par les courriers du roi à toutes les provinces, afin qu’on tuât et qu’on exterminât tous les Juifs, depuis l’enfant jusqu’au vieillard, les petits enfants et les femmes, en un seul jour, c’est-à-dire le treizième jour du douzième mois qui est appelé Adar, et que leurs biens fussent pillés.
Note : Esther 3, 13 : Le treizième jour du douzième mois. Onze mois devaient donc s’écouler entre la date du décret et son exécution. On a trouvé ce délai invraisemblable, mais l’explication nous en est fournie par le texte lui-même. Les Perses consultaient le sort dans les affaires graves ; le sort, en cette circonstance, ayant indiqué le douzième mois, appelé Adar, il était nécessaire d’attendre cette date. ― Aman fait porter l’ordre par des courriers dans tout le royaume. Ces courriers avaient été institués par Cyrus.
14 Or la substance des lettres était que toutes les provinces sussent son intention, et se préparassent pour le susdit jour. 15 Les courriers qui avaient été envoyés se hâtaient de remplir l’ordre du roi. Et aussitôt l’édit fut affiché dans Suse, le roi et Aman célébrant un festin, et tous les Juifs qui étaient dans la ville pleurant.