Chapitre 8
1 Et les hommes d’Ephraïm lui dirent : Qu’est-ce que tu as voulu faire, en ne nous appelant point, lorsque tu allais au combat contre Madian? le querellant fortement et lui faisant presque violence.
Note : Juges 8, 1-3 : Cet épisode est raconté par anticipation pour en finir d’un coup avec les Ephraïmites, dont l’auteur vient de faire connaître les exploits dans la prise d’Oreb et Zeb. Les plaintes des Ephraïmites ne peuvent avoir été exprimées que lorsque l’expédition fut finie.
2 Gédéon leur répondit: Qu’ai-je donc pu faire de semblable à ce que vous-mêmes avez fait? Une grappe de raisin d’Ephraïm ne vaut-elle pas mieux que les vendanges d’Abiézer.
Note : Juges 8, 2 : Une grappe, etc. Le sens est : La tribu d’Ephraïm ne veut-elle pas mieux à elle seule que toute la famille des Abiézerites à laquelle j’appartiens ? ou bien encore : Ce que vous venez de faire ne vaut-il pas mieux que mon exploit ? J’ai commencé la guerre, et vous l’avez achevée.
3 C’est en vos mains que le Seigneur a livré les princes de Madian, Oreb et Zeb. Qu’ai-je pu faire de semblable à ce que vous-mêmes avez fait? Lorsqu’il leur eut dit cela, l’esprit dont ils étaient animés contre lui s’apaisa.
4 Et lorsque Gédéon fut venu au Jourdain, il le passa avec les trois cents hommes qui étaient avec lui; mais à cause de leur lassitude, ils ne pouvaient poursuivre les fuyards. 5 Et il dit aux hommes de Soccoth : Donnez, je vous prie, des pains aux gens qui sont avec moi. parce qu’ils ont défailli, afin que nous puissions poursuivre Zébéé et Salmana, rois de Madian.
Note : Juges 8, 5 : Soccoth, aujourd’hui Tell-Derala.
6 Les princes de Soccoth répondirent : Peut-être que les paumes des mains de Zébéé et de Salmana sont en ta main, et c’est pour cela que tu demandes que nous donnions des pains à ton armée. 7 Gédéon leur répliqua : Lors donc que le Seigneur aura livré Zébéé et Salmana en mes mains, je déchirerai votre chair avec les épines et les ronces du désert. 8 Et de là, montant, il vint à Phanuel ; et il dit aux hommes de ce lieu des choses semblables; et ceux-ci lui répondirent, comme avaient répondu les hommes de Soccoth. 9 C’est pourquoi il leur dit à eux aussi : Lorsque je serai revenu en paix victorieux, je détruirai cette tour.
10 Mais Zébéé et Salmana se reposaient avec toute leur armée ; car il était resté quinze mille hommes de toutes les troupes des peuples orientaux, cent vingt mille guerriers, tirant le glaive, ayant été taillés en pièces. 11 Et Gédéon, montant par la voie de ceux qui demeuraient dans les tabernacles, vers la partie orientale de Nobé et de Jegbaa, battit le camp des ennemis, qui étaient en sécurité, et ne soupçonnaient rien de fâcheux.
Note : Juges 8, 11 : Voir Osée, 10, 14.
12 Or Zébéé et Salmana s’enfuirent; et Gédéon, les poursuivant, les prit, toute leur armée ayant été mise en désordre.
13 Et revenant du combat avant le lever du soleil, 14 Il prit un jeune garçon d’entre les hommes de Soccoth, et il l’interrogea sur les noms des princes et des anciens de Soccoth, et il écrivit soixante-dix-sept hommes. 15 Il vint ensuite à Soccoth, et il leur dit : Voici Zébéé et Salmana, au sujet desquels vous m’avez insulté, disant : Peut-être que les mains de Zébéé et Salmana sont en tes mains, et c’est pour cela que tu demandes que nous donnions des pains à tes hommes qui sont las et qui ont défailli. 16 Il prit donc les anciens de la ville, et les épines et les ronces du désert et il en déchira et mit en pièces les hommes de Soccoth.
Note : Juges 8, 16 : Les hommes. Il est très probable que par ce mot il faut entendre les seuls personnages dont on vient de parler ; car si Gédéon avait voulu faire mourir tous les habitants de Soccoth, il n’aurait pas demandé les noms des principaux de la ville.
17 Il renversa aussi la tour de Phanuel, les habitants de la ville ayant été tués.
18 Et il dit à Zébéé et à Salmana : Comment étaient les hommes que vous avez tués au Thabor? Ils répondirent : Semblables à toi, et l’un d’eux, comme le fils du roi. 19 Gédéon leur repartit : C’étaient mes frères, les fils de ma mère. Le Seigneur vit! si vous les aviez conservés, je ne vous tuerais pas.
Note : Juges 8, 19 : Le Seigneur vit ! formule de serment que l’on rend assez ordinairement par vive le Seigneur ! et qui équivaut à : Je jure que.
20 Et il dit à Jéther son premier-né : Lève-toi, et tue-les. Jéther ne tira pas son glaive, car il craignait, parce qu’il était encore jeune. 21 Alors Zébéé et Salmana dirent : Lève-toi, toi-même, et fonds sur nous; parce que la force de l’homme est en proportion de son âge. Gédéon se leva, et tua Zébéé et Salmana ; il prit ensuite les ornements et les bulles dont on a coutume d’orner le cou des chameaux des rois.
Note : Juges 8, 21 : Voir Psaumes, 82, 12. ― Bulle ou petite boule, était un ornement d’or, d’argent ou d’autre métal que portaient au cou les personnes aussi bien que les animaux. Le correspondant en hébreu est traduit dans la Vulgate par collier, cercles (torques), aux versets 26 de ce même chapitre, et par petite lune ou croissant (lunulae), au chapitre 3, verset 18, d’Isaïe. ― « L’usage d’orner le cou des chameaux n’est pas perdu, dit M. de Saulcy, et dans la Syrie, quand on rencontre de ces animaux harnachés, on est à peu près assuré d’avance qu’on leur verra un collier. Celui-ci est fréquemment formé de fils d’une petite coquille blanche du genre des porcelaines, et qui sert de monnaie sous le nom cauri, sur toute la côte occidentale d’Afrique. Je ne puis affirmer positivement que j’aie rencontré des chameaux portant suspendu à leur collier un croissant de cuivre, je crois cependant bien me le rappeler. Ce que tout le monde sait aussi bien que moi, c’est que l’usage de ces croissants de cuivre s’est conservé dans le harnachement militaire de la cavalerie moderne.
22 Et tous les hommes d’Israël dirent à Gédéon : Commande-nous, toi, ton fils et le fils de ton fils, parce que tu nous a délivrés de la main de Madian. 23 Gédéon leur répondit : Je ne vous commanderai point, et mon fils ne vous commandera point; mais le Seigneur vous commandera.
24 Il leur dit encore : Je vous fais une seule demande : Donnez-moi les pendants d’oreilles de votre butin. Car les Ismaélites avait coutume de porter des pendants d’oreilles en or. 25 Ceux-ci répondirent : Nous les donnerons très volontiers. Et étendant sur la terre le manteau, ils y jetèrent les pendants d’oreilles du butin. 26 Or, le poids des pendants d’oreilles demandés fut de mille sept cents sicles d’or, sans les ornements, les colliers, et le vêtement de pourpre dont les rois de Madian avaient coutume de se servir, et outre les carcans d’or des chameaux.
Note : Juges 8, 26 : Mille sept cents sicles d’or. Le sicle, du moins après la captivité, avait comme poids la valeur de 14 grammes 20 ; 1 700 sicles équivalaient donc à 24 kilogrammes 140 grammes. Avec ce poids, Gédéon fit sans doute fabriquer non seulement un éphod mais plusieurs autres objets sacrés.
27 Et Gédéon en fit un éphod, et il le mit dans sa ville d’Ephra. Et tout Israël tomba dans l’idolâtrie à cause de cet éphod, qui devint une ruine pour Gédéon et pour toute sa maison.
Note : Juges 8, 27 : Voir sur l’éphod, ornement sacré, Exode, 28, 4.
28 Mais Madian fut humilié devant les enfants d’Israël, et il ne put plus lever la tête ; mais le pays se reposa pendant quarante ans que Gédéon gouverna.
29 C’est pourquoi Jérobaal s’en alla et habita en sa maison ; 30 Et il eut soixante-dix fils qui vinrent de lui, parce qu’il avait plusieurs femmes. 31 Mais sa seconde femme qu’il avait à Sichem, lui enfanta un fils du nom d’Abimélech. 32 Et Gédéon, fils de Joas, mourut dans une heureuse vieillesse, et il fut enseveli dans le sépulcre de Joas son père à Ephra de la famille d’Ezri.
Note : Juges 8, 32 : Ephra de la famille; c’est-à-dire qui appartenait à la famille.
33 Mais après que Gédéon fut mort, les enfants d’Israël se détournèrent, et forniquèrent avec Baal. Et ils firent alliance avec Baal, afin qu’il fût leur dieu ;
Note : Juges 8, 33 : Baal. Voir Juges, note 6. 25.
34 Et ils ne se souvinrent point du Seigneur leur Dieu, qui les avait délivrés de leurs ennemis d’alentour ; 35 Et ils ne firent point miséricorde à la maison de Jérobaal Gédéon, en proportion de tout le bien qu’il avait fait à Israël.