Chapitre 4
1 Et les enfants d’Israël recommencèrent à faire le mal en la présence du Seigneur après la mort d’Aod, 2 Et le Seigneur les livra aux mains de Jabin, roi de Chanaan, qui régna dans Asor ; or, il avait pour général de son armée un homme du nom de Sisara; et lui-même habitait à Haroseth des nations.
Note : Juges 4, 2 : Voir 1 Rois, 12, 9. ― Asor ; rebâtie par quelque descendant de l’ancien Jabin. Comparer à Josué, 11, 10-11. ― Haroseth des nations ; ville ainsi nommée, parce qu’il y avait beaucoup de gens de diverses nations, ou parce qu’elle était peuplée de Chananéens et de peuples idolâtres, ou enfin parce qu’elle se trouvait dans la Galilée des nations.
3 Et les enfants d’Israël crièrent au Seigneur; car Jabin avait neuf cents chars armés de faux ; et pendant vingt ans il les avait violemment opprimés.
Note : Juges 4, 3 : Neuf cents chars armés de faux. Le texte hébreu porte : neuf cents chars de fer, et non armés de faux. Voir Josué, note 11. 4.
4 Or, c’était Debbora, prophétesse, femme de Lapidoth, laquelle jugeait le peuple en ce temps-là.
Note : Juges 4, 4 : Debbora signifie abeille. De même que biche, chatte, sont aujourd’hui des termes de tendresse, les noms d’animaux gracieux ont toujours été employés comme noms de femmes. Jahel signifie biche ; Sebia, voir 4 Rois, 12, 1, et Tabitha ou Dorcas, voir Actes des Apôtres, 9, 36, gazelle ; Rachel, agneau ou brebis; Séphora, femme de Moïse, oiseau. Nous trouvons même un nom de femme, celui de la mère du roi Joakim, voir 4 Rois, 24, 8, Nohesta, qui signifie serpent, par allusion sans doute au serpent d’airain érigé par Moïse dans le désert et qu’Ezéchias avait fait détruire, dont le nom était Nohestan, voir 4 Rois, 13, 4. Comme noms d’hommes empruntés aux animaux, on trouve Caleb, chien, désignant différents personnages, Oreb, corbeau, Zeb, loup, Aïa, vautour, Sual, chacal, Jonas, colombe, Ariel, lion de Dieu. Cf. Léon, etc. Le nom de Debbora était aussi celui de la nourrice de Rébecca. Il correspond au grec et au latin Melissa, à l’allemand Emma, qui signifie aussi abeille.
5 Et elle s’asseyait sous un palmier, qui était appelé de son nom, entre Rama et Béthel sur la montagne d’Ephraïm; et les enfants d’Israël montaient vers elle, pour tous les jugements.
Note : Juges 4, 5 : Rama, probablement au sud-ouest de Béthel. ― Béthel. Voir Genèse, 12, 8.
6 Elle envoya et appela Barac, fils d’Abinoem de Cédés de Nephthali, et elle lui dit : Le Seigneur Dieu d’Israël te l’ordonne, va, et conduis l’armée sur la montagne de Thabor, et tu prendras avec toi dix mille combattants des enfants de Nephthali et des enfants de Zabulon :
Note : Juges 4, 6 : Cédès de Nephtali. « Les villes de la région (montagneuse de Nephtali) ont toutes ce trait commun de ressemblance qu’elles sont situées sur des rochers élevés au milieu des collines, au-dessus de vallées vertes et paisibles. De ces villes, la plus remarquable est Cédès de Nephtali, la patrie de Barac… Le village moderne couronne la cime de la colline. Les fragments de colonnes qu’on rencontre sur cette colline, les tombeaux de toute espèce dans la vallée au-dessous et sur la place du village, les ruines de deux bâtiments considérables sur cette même place, forment l’ensemble le plus considérable de vestiges archéologiques de toutes les villes de Galilée. La plaine verdoyante qui s’étend au nord et au sud de la colline et de la place du village est toute parsemée de térébinthes, assez nombreux pour servir d’illustration à la scène du campement de Jahel, sous des arbres de même espèce, dans ce même lieu. » (STANLEY. ) ― Conduis l’armée sur la montagne de Thabor. Le Thabor est situé dans la tribu d’Issachar, sur la limite de Zabulon. Il se distingue par sa forme et par sa végétation abondante des autres montagnes de la Palestine. Vu du sud-ouest, il se dresse devant le spectateur comme un dôme gigantesque, complètement isolé. Il faut près d’une heure de marche pour en atteindre la cime. Ses flancs sont couverts d’arbres propres à cacher les hommes qui s’y réfugient. Le sommet, dont on peut faire le tour en une demi-heure, est couvert en partie d’arbres, en partie de pelouses. L’oeil domine de là toute la plaine d’Esdrelon : aucun mouvement des Chananéens ne pouvait échapper à Barac et à Débora. Les chars de Sisara ne pouvaient d’ailleurs y atteindre les Hébreux. ― « Les côtés du Thabor sont inégaux, escarpés, d’une pente raide, couverts d’arbres odoriférants et d’arbrisseaux qui s’élèvent dans les interstices des rochers : partout où peut croître l’herbe, la terre est tapissée de verdure et de fleurs. Les sentiers sont presque impraticables, et quelquesbons que soient les chevaux, ils ont la plus grande peine à se tirer de certains passages scabreux… Les écrivains qui ont assuré que [le sommet] se termine en pain à sucre se sont trompés. C’est un plateau d’environ une demi-heure d’étendue, où l’on ne rencontre que de l’herbe fort élevée, des broussailles, des arbustes, de petits bocages sur les points les plus éminents et d’énormes tas de pierres… Le gibier fourmille partout ; les endroits touffus et les creux des rochers servent de repairesà des panthères, des sangliers et autres animaux sauvages. » (DE GERAMB. )
7 Or moi-même je t’amènerai à l’endroit du torrent de Cison, Sisara, prince de l’armée de Jabin, ses chars et toute sa multitude, et je les livrerai en ta main.
Note : Juges 4, 7 : A l’endroit du torrent de Cison, dans la plaine d’Esdrelon ou de Jezrael. La plaine a environ dix lieues de longueur du Carmel à la vallée du Jourdain, et cinq lieues de largeur, entre les montagnes de Gelboé et celles de Nazareth. Elle est inégale, surtout au levant et au couchant. C’est de Mageddo, où était Sisara, dans la direction de Nazareth, au nord, qu’elle est le plus large et le plus unie. Mageddo, qui commande l’entrée de la plaine, au sud-ouest, Bethsan qui la commande à l’est, demeurèrent des forteresses jusqu’au temps des Romains, sous le nom de Legio et de Scythopolis. Du temps de Sisara, les Chananéens habitaient encore en grand nombre dans ces deux villes et devaient y être les maîtres. ― Le torrent de Cison prend sa source sur le versant nord-est du Thabor ; il arrose dans toute sa longueur, du nord-est au nord-ouest, la plaine d’Esdrelon et se jette dans la Méditerranée au nord du mont Carmel. Il a un grand nombre d’affluents, qui sont complètement à sec en été, mais forment des torrents considérables au moment des pluies.
8 Et Barac lui répondit : Si vous venez avec moi, j’irai; si vous ne voulez pas venir avec moi, je n’irai pas. 9 Debbora lui repartit : J’irai assurément avec toi; mais pour cette fois la victoire ne te sera point attribuée, parce que c’est dans la main d’une femme que sera livré Sisara. C’est pourquoi Debbora se leva et s’en alla avec Barac à Cédés. 10 Barac, ayant mandé Zabulon et Nephthali, monta avec dix mille combattants, accompagné de Debbora.
11 Or Haber le Cinéen s’était retiré depuis longtemps de tous ses autres frères, les Cinéens, fils d’Hobab, parent de Moïse, et il avait tendu ses tabernacles jusqu’à la vallée qui est appelée Sennim, et qui était près de Cédés.
Note : Juges 4, 11 : Le Cinéen. Voir Genèse, note 15. 19 ― Sennim, signifie changer la tente, proprement charger les montures (pour changer de campement). Sennim est donc probablement un lieu où campaient d’ordinaire les caravanes.
12 Et l’on annonça à Sisara, que Barac, fils d’Abinoem, était monté sur la montagne de Thabor. 13 Et il assembla ses neuf cents chars armés de faux, et toute son armée qui vint de Haroseth des nations au torrent de Cison. 14 Alors Debbora dit à Barac : Lève-toi ; car c’est le jour auquel le Seigneur a livré Sisara en tes mains : voilà que lui-même est ton guide. C’est pourquoi Barac descendit de la montagne de Thabor, et dix mille combattants avec lui.
15 Et le Seigneur épouvanta Sisara, tous ses chars et toute sa multitude, par le tranchant du glaive, à l’aspect de Barac; de telle sorte que Sisara s’élançant de son char, s’enfuit à pied,
Note : Juges 4, 15 : Voir Psaumes, 82, 10.
16 Que Barac poursuivit les chars qui s’enfuyaient et l’armée, jusqu’à Haroseth des nations, et que toute la multitude des ennemis périt jusqu’à une entière extermination.
17 Mais Sisara fuyant parvint à la tente de Jahel, femme d’Haber le Cinéen. Car il y avait paix entre Jabin, roi d’Azor, et la maison d’Haber le Cinéen. 18 Jahel étant donc sorti au devant à la rencontre de Sisara, lui dit : Entre chez moi, mon seigneur; entre, et ne crains point. Sisara entré dans son tabernacle, et couvert par elle, de son manteau,
Note : Juges 4, 18 : De son manteau, selon l’hébreu, de la couverture. On sait que dans la langue sacrée, l’article déterminatif se met souvent pour le pronom possessif. Mais on ne sait au juste si ce pronom doit se rapporter à Sisara ou à Jahel. ― Les orientaux se sont toujours servis pour dormir de leur manteau. « Ces gens-ci, écrivait du Maroc Eugène Delacroix, ne possèdent qu’une couverture dans laquelle ils marchent, ils dorment, et où ils seront un jour ensevelis. »
19 Lui dit : Donnez-moi, je vous prie, un peu d’eau, parce que j’ai une grande soif. Jahel ouvrit l’outre du lait, lui donna à boire et le couvrit.
Note : Juges 4, 19 : Jahel ouvrit l’outre du lait, lui donna à boire. « Les Bédouins savent préparer le lait caillé d’une manière délicieuse ; cette préparation est appelée lében ; on l’offre aux hôtes, mais on la considère généralement comme un mets délicat. Je sais par expérience qu’elle est très rafraîchissante pour le voyageur accablé par la fatigue et la chaleur, mais elle a aussi un effet soporifique étrange. Ce ne fut pas sans doute sans connaître ses effets probables que Jahel donna à son hôte épuisé ce breuvage séducteur, qui devait lui procurer un sommeil profond et de bonne durée. » (CONDER. )
20 Alors Sisara lui dit : Tenez-vous devant la porte de votre tabernacle; et lorsque quelqu’un viendra, vous interrogeant, et disant : Est-ce qu’il n’y a point ici quelqu’un? Vous répondrez : Il n’y a personne. 21 C’est pourquoi, Jahel, femme d’Haber prit le clou du tabernacle, prenant également le marteau ; et étant entrée secrètement et en silence, elle posa le clou sur la tempe de sa tête, et après l’avoir frappé avec le marteau, elle lui enfonça dans le cerveau jusqu’à terre : et Sisara joignant le sommeil à la mort défaillit et mourut.
Note : Juges 4, 21 : Le clou, probablement, le clou principal, le plus gros ; l’hébreu porte le pieu de la tente. ― Quant à la conduite de Jahel envers Sisara, il est au moins des circonstances qu’on ne saurait justifier, par exemple son mensonge formel, son manque de bonne foi ; choses mauvaises en elles-mêmes. Mais cela n’empêche point de rendre justice à ses intentions, qui étaient incontestablement pures et louables. Voir ce que nous avons dit en parlant d’Aod, Juges, 3, 19-22.
22 Et voilà que Barac, poursuivant Sisara, arrivait; et Jahel étant sortie à sa rencontre, lui dit : Viens, et je te montrerai l’homme que tu cherches. Lorsque celui-ci fut entré chez elle, il vit Sisara étendu mort, et le clou enfoncé dans sa tempe.
23 Dieu humilia donc en ce jour-là Jabin, roi de Chanaan, devant les enfants d’Israël, 24 Qui croissaient tous les jours, et qui d’une main forte opprimaient Jabin, roi de Chanaan, jusqu’à ce qu’ils l’eurent entièrement détruit.