Chapitre 32
1 Entendez, ô cieux, ce que je dis ; que la terre entende les paroles de ma bouche.
Note : Dr. 32, 1 : « Nous ne sommes pas ici en présence d’un peuple de pasteurs, ou d’idées de pasteurs sur Dieu et l’ensemble de la vie. Nous avons affaire à un homme né et élevé en Egypte, dont l’Arabie est la seconde patrie, la scène de ses actions, de ses voyages, de ses miracles. L’esprit de sa poésie y prend sa forme et ses images. Le désert de l’Arabie donne partout le ton : Dieu est un rocher, un feu qui brûle et consume ; il aiguise le tranchant de son épée ; il décoche ses flèches altérées de sang ; les messagers de sa colère sont des serpents, etc. La poésie de Moïse est forte, primitive, simple, comme sa vie et son caractère. Son esprit est tout différent de celui de Job, de David et de Salomon ; l’âme énergique et zélée de Moïse se révèle dans ce dernier chant. Les plus riantes et les plus poétiques images des Psaumes et des prophètes dérivent spécialement de ce chant de Moïse, qui est comme la prophétie primitive, le type et la règle de toutes les prophéties. » (HERDER). ― « L’Ecriture surpasse tous (les auteurs Grecs et Romains) infiniment en naïveté, en vivacité, en grandeur. Jamais Homère même n’a approché de la sublimité de Moïse dans ses cantiques, particulièrement le dernier. » (FENELON).
2 Que ma doctrine croisse comme la pluie, que ma parole se répande comme la rosée, comme la pluie sur l’herbe, et comme les gouttes d’eau sur le gazon. 3 Parce que j’invoquerai le nom du Seigneur; rendez gloire à notre Dieu.
4 Les oeuvres de Dieu sont parfaites, et toutes ses voies sont justes : Dieu est fidèle, et sans aucune iniquité ; il est juste et droit.
Note : Dr. 32, 4 : Justes ; littéralement jugements. Le mot hébreu traduit par judicia dans la Vulgate, signifie ce qui est juste, équitable.
5 Ils ont péché contre lui ; ainsi, ils n’étaient pas ses fils au milieu de leurs souillures : génération dépravée et perverse. 6 Est-ce là ce que tu rends au Seigneur, peuple fou et insensé? N’est-ce pas lui qui est ton père, qui t’a possédé, qui t’a fait et qui t’a créé?
7 Souviens-toi des jours anciens, pense à chacune des générations; interroge ton père, et il te le racontera ; tes ancêtres, et ils te le diront.
Note : Dr. 32, 7 : Voir Job, 8, 8.
8 Quand le Très-Haut divisait les nations, quand il séparait les enfants d’Adam, il établit les limites des peuples selon le nombre des fils d’Israël. 9 Mais la part du Seigneur fut son peuple ; Jacob, la corde de son béritage.
Note : Dr. 32, 9 : En Egypte, on se servait de cordes pour mesurer les longueurs considérables.
10 Le Seigneur le trouva dans une terre déserte, dans un lieu d’horreur et d’une vaste solitude, il le conduisit par divers chemins, et il l’instruisit, et il le garda comme la prunelle de son oeil. 11 Comme un aigle qui provoque ses petits à voler, et voltige sur eux, il a étendu ses ailes, l’a pris et l’a porté sur ses épaules. 12 Le Seigneur seul fut son guide ; et il n’y avait point avec lui de dieu étranger.
13 Il l’a établi sur une terre élevée, afin qu’il mangeât les fruits des champs, afin qu’il savourât le miel de la pierre, et l’huile du rocher le plus dur ; 14 Le beurre du troupeau de gros bétail, le lait des brebis avec la graisse des agneaux et des béliers fils de Bazan; les boucs avec la moelle du froment ; et afin qu’il but le sang du raisin le plus pur.
Note : Dr. 32, 14 : Le beurre, etc. ; le beurre ou la crème faite avec du lait de vache. ― Fils de Basan ; c’est-à-dire qui étaient de Basan, pays très abondant en gras pâturages. ― La moelle du forment pour la fleur du froment.
15 Le bien-aimé s’appesantit et se révolta; appesanti, engraissé, grossi, il a abandonné Dieu, son créateur, et il s’est éloigné de Dieu son salut.
Note : Dr. 32, 15 : Le mot hébreu que la Vulgate a rendu par bien aimé (dilectus) est un nom propre symbolique qui s’applique au peuple d’Israël, et dont la racine signifie être droit, juste.
16 Ils l’ont provoqué par des dieux étrangers, et par des abominations ils l’ont poussé au courroux. 17 Ils ont sacrifié aux démons, et non à Dieu, à des dieux qu’ils ignoraient ; il est venu des dieux nouveaux, d’un jour, que n’ont pas adorés leurs pères. 18 Le Dieu qui t’a engendré, tu l’as abandonné, et tu as oublié le Seigneur ton créateur.
19 Le Seigneur a vu, et il a été poussé à la colère, parce que ses fils et ses filles l’ont provoqué. 20 Et il a dit : Je leur cacherai ma face, et je considérerai leur fin ; car c’est une génération perverse et des enfants infidèles. 21 Ce sont eux qui m’ont provoqué par ce qui n’est pas Dieu et qui m’ont irrité par leurs vanités : et moi je les provoquerai par ce qui n’est pas un peuple, et je les irriterai par une nation insensée.
Note : Dr. 32, 21 : Voir Jérémie, 15, 14 ; Romains, 10, 19. ― Par leurs vanités. C’est le nom que l’Ecriture donne aux faux dieux des païens.
22 Un feu s’est allumé dans ma fureur, et il brûlera jusqu’aux extrémités de l’enfer ; il dévorera la terre avec sa végétation, et il brûlera entièrement les fondements des montagnes,
23 J’assemblerai sur eux les maux, et j’épuiserai mes flèches sur eux. 24 Ils seront consumés par la famine et les oiseaux les dévoreront avec les morsures les plus cruelles : j’enverrai contre eux les dents des bêtes féroces, avec la fureur de celles qui se traînent sur la terre, et qui rampent. 25 Au dehors, le glaive les ravagera, et au dedans, l’épouvante; ils ravageront le jeune homme en même temps que la vierge, l’enfant qui tête avec le vieillard.
26 J’ai dit : Où sont-ils? je ferai cesser leur mémoire du milieu des hommes. 27 Mais à cause de la colère des ennemis j’ai différé, de peur que leurs ennemis ne s’enorgueillissent, et ne disent : C’est notre main élevée, et non le Seigneur, qui a fait toutes ces choses. 28 C’est une nation sans conseil et sans prudence. 29 Ah! que n’ont-ils de la sagesse! que ne comprennent-ils! que ne prévoient-ils la fin!
Note : Dr. 32, 29 : Voir Jérémie, 9, 12.
30 Comment un seul en poursuit-il mille, et deux en font-ils fuir dix mille? n’est-ce point parce que leur Dieu les a vendus et que le Seigneur les a enfermés?
Note : Dr. 32, 30 : Les a enfermés, dans les mains de leurs ennemis.
31 Car notre dieu n’est pas comme leurs dieux, nos ennemis mêmes en sont juges. 32 C’est de la vigne de Sodome qu’est leur vigne, et des faubourgs de Gomorrhe ; leur raisin est un raisin de fiel, et leurs grappes sont très amères.
Note : Dr. 32, 32 : De Sodome. Voir Genèse, note 13. 10.
33 C’est un fiel de dragons que leur vin, et un venin d’aspics incurable.
34 Tout cela n’est-il pas renfermé en moi, et scellé dans mes trésors? 35 A moi est la vengeance, et c’est moi qui ferai la rétribution en son temps, afin que leur pied chancelle : le jour de leur perle est près, et les temps se hâtent d’arriver
Note : Dr. 32, 35 : Voir Ecclésiastique, 28, 1 ; Romains, 12, 19 ; Hébreux, 10, 30.
36 Le Seigneur jugera son peuple, et il aura pitié de ses serviteurs : il verra que leur main est affaiblie, que ceux mêmes qui étaient renfermés ont défailli, et que ceux qui étaient restés ont été consumés.
Note : Dr. 32, 36 : Voir 2 Machabées, 7, 6. ― Qui étaient renfermés, dans leurs forteresses, selon les uns, dans les prisons, selon les autres, ou bien, selon d’autres encore dans leurs maisons ; c’est-à-dire ceux qui n’avaient pas pris part à la guerre. ― Ceux qui étaient restés ; c’est-à-dire ceux qui avaient pris d’abord la fuite, et qui étaient revenus et s’étaient rendus à l’ennemis. On donne encore à cette expression plusieurs autres sens, mais celle-ci paraît plus conforme à la Vulgate.
37 Et il dira : Où sont leurs dieux en qui ils avaient confiance?
Note : Dr. 32, 37 : Voir Jérémie, 2, 28.
38 Ils mangeaient les graisses de leurs victimes, et buvaient le vin de leurs libations : qu’ils se lèvent, qu’ils vous secourent, et que dans votre détresse il vous protègent. 39 Voyez que moi je suis seul, et qu’il n’y a point d’autre Dieu que moi; moi je tue, et moi je fais vivre ; moi je frappe, et moi je guéris, et il n’y a personne qui puisse rien arracher de ma main.
Note : Dr. 32, 39 : Voir 1 Rois, 2, 6 ; Tobie, 13, 2 ; Sagesse, 16, 13 ; Job, 10, 7 ; Sagesse, 16, 15. ― Dans la Vulgate, les verbes sont au futur, come ils y sont dans le texte original ; mais en vertu d’un hébraïsme, ils expriment le présent, ou plutôt un temps indéterminé.
40 Je lèverai au ciel ma main, et je dirai : Je vis, moi, éternellement.
Note : Dr. 32, 40 : Je vis, etc. Formule de serment qui n’est propre qu’à Dieu seul. Dieu jure par lui-même, parce que, comme le remarque saint Paul (voir Hébreux, 6, 13), il n’y a aucun être plus grand que lui par lequel il puisse jurer.
41 Si j’aiguise mon glaive comme la foudre, et que ma main saisisse un jugement, j’exercerai ma vengeance sur mes ennemis, et à ceux qui me haïssent je ferai la rétribution.
Note : Dr. 32, 41 : Si j’aiguise mon glaive comme la foudre ; c’est-à-dire si je le rends pénétrant comme la foudre, si je lui donne le brillant, l’éclat éblouissant de l’éclair.
42 J’enivrerai mes flèches de sang, et mon glaive dévorera des chairs, à cause du sang de ceux qui ont été tués, et à cause de la captivité des ennemis à la tête nue.
Note : Dr. 32, 42 : Ce verset est aussi obscur dans le texte hébreu que dans la Vulgate, l’explication qu’en donne Ménochius nous a paru la plus simple et la plus naturelle : Je punirai les nations, parce qu’elles ont versé le sang des Israélites, en les tuant, parce qu’elles les ont emmenés en captivité, et parce qu’elles ont rasé la tête à ces mêmes Israélites, leurs ennemis, comme on la rase aux esclaves. Dans ces temps anciens, en effet, c’était la coutume de raser la tête aux captifs en signe d’esclavage.
43 Nations, louez son peuple, parce qu’il vengera le sang de ses serviteurs, qu’il exercera sa vengeance sur leurs ennemis, et qu’il sera propice à la terre de son peuple.
Note : Dr. 32, 43 : Voir 2 Machabées, 7, 6.
44 Moïse vint donc, et il récita toutes les paroles de ce cantique aux oreilles du peuple, lui et Josué, fils de Nun. 45 Et il acheva tous ses discours, parlant à tout Israël; 46 Et il leur dit : Appliquez vos coeurs à toutes les paroles que moi je vous certifie aujourd’hui, afin que vous enjoigniez à vos fils de les garder et de les pratiquer, et d’accomplir toutes les choses qui sont écrites dans cette loi, 47 Parce que ce n’est pas en vain qu’elles vous ont été prescrites, mais afin que chacun de vous vive par elles, et que les pratiquant, vous demeuriez longtemps dans la terre dans laquelle, le Jourdain passé, vous allez entrer pour la posséder. 48 Or, le Seigneur parla à Moïse, le même jour, disant :49 Monte sur cette montagne d’Abarim, c’est-à-dire des passages, sur la montagne de Nébo qui est dans la terre de Moab contre Jéricho ; et vois la terre de Chanaan que je livrerai moi-même aux enfants d’Israël pour l’occuper, et meurs sur la montagne.
Note : Dr. 32, 49 : Le mot hébreu Abarim est un pluriel ; c’est pourquoi la Vulgate elle-même dit, voir Nombres, 33, 47-48, les montagnes d’Abarim. Nébo était une des montagnes qui formaient la chaîne des monts d’Abarim. « On ne distingue pas un sommet, pas la moindre cime » dans cette chaîne, dit Chateaubriand. Cependant d’après la description générale, le mont Nébo devait être situé près de l’embouchure du Jourdain. ― Contre Jéricho. Voir Josué, note 6. 1.
50 Et, l’ayant montée, tu seras réuni à tes peuples, comme est mort Aaron ton frère sur la montagne de Hor, et il a été réuni à ses peuples,
Note : Dr. 32, 50 : Voir Nombres, 20, 26 ; 27, 13.
51 Parce que vous avez prévariqué contre moi aux Eaux de contradiction, à Cadès du désert de Sin ; et que vous ne m’avez pas sanctifié parmi les enfants d’Israël.
Note : Dr. 32, 51 : Voir Nombres, 27, 14. ― Vous ne m’avez pas sanctifié. Voir Nombres, 20, 12. ― A Cadès du désert de Sin. Voir Nombres, 20, 1.
52 Vis-à-vis, tu verras la terre (et tu n’y entreras pas) que je donnerai moi-même aux enfants d’Israël.